
Grand-Saconnex, 26 mars
Je propose d'envisager le psychodrame autour du Crédit Suisse dans un contexte plus large, celui d'une régulation déficiente des processus économiques dans notre pays. Une grève sur les retraites, comme en France actuellement, serait impossible en Suisse, car un référendum aurait été lancé (bienfait de la démocratie directe), et, avec une opposition de 3/4 de la population, la loi n'aurait eu aucune chance de passer.
Voter trop souvent, et sur des sujets très techniques, n'est cependant pas possible. Il existe heureusement des instances destinées à prévenir les dérives, à garantir les équilibres, à réglementer dans l'intérêt commun. Je pense à l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) pour la santé, ou à la FINMA pour les banques.
Or, on constate que de telles instances, plutôt que d'œuvrer en vue du bien public, cherchent prioritairement à satisfaire la cupidité de quelques-uns, à se mettre au service d'une minorité privilégiée trop influente grâce à ses puissants lobbies.
Avenir Suisse vient de proposer que les étudiants payent leurs études à leur juste prix grâce à des prêts qu'ils rembourseraient lorsqu'ils gagnent plus tard de hauts salaires (comme aux Etats-Unis). Les étudiants en médecine coûtent le plus cher; or, certains spécialistes ont des revenus jusqu'à 800 000 fr. (en raison de la survalorisation de gestes techniques) aux frais de l'assurance maladie: ne serait-il pas plus judicieux de réduire ces revenus indécents (grille Tarmed) plutôt que d'obliger les étudiants à s'endetter?
On observe aussi cette défense de revenus excessifs dans le logement (augmentation du loyer lors d'un changement de locataire, projets de révision de droit du bail), avec des loyers toujours plus inaccessibles, alors que d'autre part on abolit le salaire minimum à Genève. A chaque fois, les décisions prises plombent le pouvoir d'achat des moins bien pourvus, que l'Etat doit aider, et les milieux responsables de ces décisions (toujours les mêmes!) clament alors que l'Etat dépense trop d'argent.
Et voilà que l'on vient de refuser une hausse mensuelle de 7 à 14 fr. pour l'AVS, en se déclarant toutefois prêt à mettre sur la table plus de 200 milliards pour sauver la fusion Crédit Suisse-UBS, que davantage de vigilance de la part de la FINMA, depuis des mois et même des années, aurait sans doute permis d'éviter, mais il aurait fallu pour cela qu'elle joue son rôle régulateur, au lieu de céder devant des lobbies prédateurs, repus d'incompétence et d'arrogance.
D'autres entreprises, beaucoup plus modestes, seraient ravies de bénéficier de tant d'attention!Régulation, régulation, encore et toujours, à tous les niveaux, c'est cela qui fait défaut à la gouvernance helvétique. Quand donc le reconnaîtra-t-on?
Jacques Morard
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Lettre du jour – Il nous faut de la régulation