
Thônex, 29 avril
Bravo pour l’excellent article de Fedele Mendicino sur le retour à la terre de nombreux jeunes! Observateur attentif, depuis plus de dix ans, de ce phénomène, je peux en témoigner: cette tendance est bien réelle. Elle est réjouissante car le travail de la terre, de par les valeurs intrinsèques qu’il contient, est aussi source d’équilibre et de bonne santé physique et morale. Mais, outre l’accès à des surfaces de culture, elle se heurte à une autre difficulté, ô combien considérable: peut-on vivre décemment des métiers de la terre?
C’est paradoxal, mais il faut le dire: à moins d’exploiter une entreprise de dimension industrielle, les travailleurs de la terre ont de la peine à manger tous les jours. Le rendement de leur travail est insuffisant pour en vivre. Presque tous ceux que je connais bénéficient d’un complément de salaire substantiel, soit en provenance d’un conjoint qui travaille en ville avec l’assurance d’un revenu régulier, soit en travaillant «ailleurs» à temps partiel pour compléter le faible revenu de leur lopin. Les autres, ceux qui n’ont pas la chance de compléter leur revenu paysan, doivent se contenter de vivre avec peu. Et sans l’espérance que leurs vieux jours soient assurés, même s’ils ne se soucient guère de l’absence d’un deuxième pilier.
Pourquoi des métiers aussi essentiels au bon fonctionnement de notre société – la terre, c’est le secteur premier de l’économie – sont-ils aussi mal rémunérés? Parce qu’ils sont écrasés, en quelque sorte, par la dure réalité de notre économie marchande. «Mort aux plus faibles!» dit-elle à l’entrée de nos supermarchés, lieux de sous-enchères de prix qu’eux seuls peuvent se permettre, de par leur position dominante.
C’est pourquoi j’en appelle aux responsables économiques et politiques de ce pays pour qu’ils prennent des mesures de soutien concret aux petits producteurs – le marché n’est pas aussi libre qu’on le dit, il est organisé. Et qu’ils cessent de gérer le monde paysan producteur essentiel de notre alimentation comme si ce secteur économique n’était que le lieu d’un libéralisme souvent débridé où faire de l’argent est plus important que donner à manger.
Alain Dupraz
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Lettre du jour – Il faut soutenir les petits producteurs