«Je quitte cette école très sereinement. Il faut une autre génération à la tête de la HEAD.» Le génie de Jean-Pierre Greff? N’avoir jamais perdu de vue qu’une maison où l’on enseigne l’art sous ses différentes formes d’expression tout en suscitant la créativité des étudiants, c’est spécial.
Dès le départ, il a marié la carpe et le lapin, bâtissant la Haute École d’art et de design de Genève avec les matériaux de deux institutions – les Beaux-Arts et la Haute École d’arts appliqués – qui possédaient des ADN a priori inconciliables: l’art pour l’art d’un côté, les objets de la réalité de l’autre. Certes, on était au début des années 2000, l’époque changeait, le monde de l’art bruissait de créateurs mixtes, artistes faisant du design et designers artistes.
Jean-Pierre Greff a pris le pari que cette évolution pouvait être mise au travail dans une école. Il a construit une vision, s’inspirant, toujours, de l’art, de la littérature et de la philosophie plutôt qu’en sacralisant des tableaux Excel. Il a lancé ses étudiants dans l’univers des entreprises, sans tabou, mais avec des garde-fous. Il a cassé des murs pour laisser circuler l’air du temps, adoptant avec son équipe le mouvement des élèves, vers davantage de durabilité et de fluidité des genres notamment.
Il a exigé beaucoup, obtenu énormément. La HEAD est aujourd’hui l’une des meilleures écoles d’art en Europe. Pourtant, elle est fragile. Comme toutes les maisons de son type, elle doit être cadrée, mais laissée libre de se réinventer chaque jour. Elle ne sait pas, elle explore. Elle doit cultiver le paradoxe et l’instabilité pour permettre à l’étincelle de jaillir. Jean-Pierre Greff l’a bien compris: changer d’air lui fera toujours du bien.

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Éditorial – Il a bâti la HEAD et s’en va
Jean-Pierre Greff, qui a dirigé la Haute École d’art et de design pendant quinze ans et inauguré l’été dernier le campus de Châtelaine, atteint l’âge de la retraite.