L’invitéHonte aux blasphémateurs!
L’ignoble assassinat d’un enseignant d’histoire-géographie, près de Paris, relance une fois de plus la question du blasphème. Alors oui, disons-le avec la dernière vigueur: il faut interdire le blasphème et punir impitoyablement le blasphémateur. Mais le blasphémateur n’est pas celui qu’on croit.
Blasphémer, c’est porter atteinte à l’honneur de Dieu. Il y a quelques siècles, le bonhomme qui, sous nos latitudes, sortait éméché d’une taverne et qui prononçait des insanités à l’endroit du Père, du Fils ou du Saint-Esprit risquait de passer plusieurs nuits en prison. Dans les cas graves, il pouvait finir sur l’échafaud, comme le chevalier de La Barre, jeune homme de 20 ans dans la France de 1766. Personne n’y trouvait à redire, en ces temps où la laïcité n’existait pas, car l’honneur était tenu pour la plus noble des vertus: pensez, si le premier gentilhomme venu pouvait laver dans le sang d’un duel l’offense d’un mot déplacé, qui aurait osé revendiquer le droit de blasphémer Dieu?
L’honneur de Dieu, qu’est-ce que c’est? Le concept est plus facile à proclamer qu’à définir une fois pour toutes. Une chose, toutefois, est sûre: l’honneur de Dieu interdit qu’on s’en prenne à son image. Mais attention: on ne pense pas aux caricatures, de la plus drôle à la plus douteuse, qu’a publiées «Charlie Hebdo». Dans la tradition judéo-chrétienne, la première fois que l’on parle d’image de Dieu, c’est pour dire que l’humain a été «créé à son image» (Genèse, chapitre 1). L’humanisme chrétien tient là ses racines. Au IIe siècle, par exemple, l’évêque saint Irénée de Lyon écrivait que «la gloire de Dieu, c’est l’humain vivant»: on a rarement mieux dit en si peu de mots.
Le blasphème n’est pas à chercher ailleurs: il est dans tout attentat perpétré contre l’image de Dieu.
Le blasphémateur, le vrai, l’unique blasphémateur dans l’affaire qui nous déchire aujourd’hui, ce n’est ni le caricaturiste de «Charlie» ni Samuel Paty, c’est l’assassin de Conflans-Sainte-Honorine. Oui, mais, précisément, va-t-on rétorquer, ce sinistre individu ne se réclamait pas de la tradition judéo-chrétienne: c’était un musulman fondamentaliste nourri aux mamelles du salafisme. Cela ne change rien à l’affaire. L’assassin savait certes répéter «Allahou akbar», fût-ce avec un accent russe ou tchétchène, mais personne ne lui avait dit, de toute évidence, qu’on trouve dans les hadiths de Mouhammad al-Boukhârî, cette immense autorité de l’islam sunnite au IXe siècle, une attestation selon laquelle le Prophète partageait lui aussi la vieille affirmation biblique que «Dieu a créé Adam à son image».
Le blasphémateur, ce n’est pas celui qui manie le crayon ou qui donne à des adolescents un cours sur la liberté d’expression, mais celui qui agite le couteau ou qui incite à le faire. Ce principe vaut d’abord pour quiconque se réclame, directement ou non, du premier chapitre de la Genèse. Dieu a créé l’humain à son image. Honte aux blasphémateurs de tout poil et de toute religion qui portent atteinte à cette image!
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