Carnet noirHommage à François Carrard, «avocat universel»
Figure du sport mondial, l’ancien directeur du CIO nous a quittés dimanche. Les avocats qui furent ses amis et associés reviennent sur une trajectoire hors normes.

François Carrard nous a quittés dimanche dernier à l’âge de 83 ans, directeur général du CIO entre 1989 et 2003, le Lausannois avait été l’une des figures du monde sportif international ces dernières décennies. Les avocats Jean-Philippe Rochat, Nicolas Gillard et Edgar Philippin, qui furent ses associés et ses amis au sein du cabinet Kellerhals-Carrard, rendent hommage à cet homme de loi atypique et influent:
Son visage exprimait une assurance pleine de rondeur et une autorité naturelle. On le connaissait essentiellement pour les fonctions occupées au CIO et auprès des fédérations sportives internationales, renommée dont témoignent les hommages rendus dans la presse du monde entier. Et ce rôle de grand ordonnateur du sport mondial lui allait comme un gant.
Avec Jean-Pascal Delamuraz
C’est pourtant au barreau vaudois et auprès d’entreprises romandes que François Carrard, a d’abord et avant tout tracé sa voie. Bien qu’issu d’une lignée d’avocats radicaux, il montrera très rapidement un potentiel certain à des fonctions étatiques. Alors que son ami et compagnon d’études Jean-Pascal Delamuraz lui suggérait de se lancer en politique avec lui, il lui répondit: «Tu voudras être conseiller fédéral, et je voudrai l’être moi aussi. On serait en concurrence et je vais donc devenir avocat…»
«L’homme est d’une curiosité insatiable: il pratique couramment six ou sept langues et s’exprime aisément au piano, comme lors de ce concert improvisé sur une chaîne japonaise à l’occasion des JO de Nagano.»
Depuis l’obtention de son brevet en 1966, François Carrard ne quittera jamais le barreau, tout en accédant aux plus hautes responsabilités dans des domaines très divers. Car l’homme est d’une curiosité insatiable: il pratique couramment six ou sept langues et s’exprime aisément au piano, comme lors de ce concert improvisé sur une chaîne de télévision japonaise à l’occasion des Jeux olympiques de Nagano. Sa passion pour le jazz et la bossa-nova, entre autres, le conduira à présider durant vingt-cinq ans la fondation du Festival de jazz de Montreux.
L’homme de tous les métiers
Voyageur infatigable (il se targuait de connaître toutes les capitales du monde), François Carrard fait autour de la planète d’innombrables connaissances et développe sa sensibilité aux différentes cultures. En même temps, il devient l’homme de tous les métiers: avocat, porte-parole, chef d’entreprise, administrateur de sociétés dans le domaine de la finance et de l’assurance (François Carrard siège par exemple au conseil d’administration de la Vaudoise de 1983 à 2009, dont quatorze ans comme président), dans celui de l’hôtellerie (comme président du Beau-Rivage Palace pendant plus de trente ans), de l’édition (les Presses Centrales, à une époque de transition délicate), l’industrie enfin (notamment auprès des Câbleries de Cortaillod et de Swissmetal, où ses talents pour la gestion de crise seront mis à l’épreuve).

Son parcours lui vaut peu à peu une réputation de stratège, capable de régler avec élégance, créativité et sens de la formule les situations et les litiges les plus complexes. Et c’est parfois de loin, jusqu’à tout récemment encore, que l’on viendra à Lausanne recueillir l’avis d’un « sage », comme le présente la presse internationale.
Nelson Mandela et les vignerons
Le caractère courtois de son autorité n’exclut néanmoins pas les colères, rares mais mémorables: ce fut le cas lorsqu’une collaboratrice l’informa qu’elle avait bloqué les appels insistants d’un importun, qui n’était en réalité autre que le vice-président des États-Unis… François Carrard côtoie d’ailleurs des personnalités majeures de son siècle: des générations de présidents, de ministres ou de musiciens célèbres, le dalaï-lama ou Nelson Mandela, qu’il reçoit dans son village de Cully, avant de s’attabler quelques heures plus tard avec les vignerons locaux.
Au terme d’une vie bien remplie, François Carrard laisse à Lausanne et au canton de Vaud des réalisations majeures, en particulier le Tribunal arbitral du sport, une contribution significative à l’ancrage de nombreuses institutions sportives dans notre région, une étude ayant pris une envergure nationale et internationale. Il a illustré avec éclat un monde d’avant la spécialisation, celui de l’avocat universel.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.