Germaine de Staël et Benjamin Constant réunis à Cologny
La Fondation Martin Bodmer présente la première exposition dédiée au couple.

Les voici réunis pour la première fois dans une même exposition. Germaine de Staël et Benjamin Constant, deux écrivains majeurs du XIXe siècle, amants, collègues de pensée et parents d'une fille, Albertine, sont les hôtes de la Fondation Martin Bodmer. L'Institut Benjamin Constant de Lausanne et la Société des études staëliennes de Paris ont organisé cette exposition ensemble. Le premier est représenté par son directeur Léonard Burnand, la seconde par sa présidente Stéphanie Genand, auxquels s'est jointe Catriona Seth, la cheville ouvrière de la récente édition des Œuvres complètes de Germaine de Staël à la Pléiade.
De ce trio érudit se détache Léonard Burnand, que son ancrage suisse romand désigne tout naturellement pour assurer des visites commentées à Cologny.
Au fait, pourquoi à Cologny?
Martin Bodmer considérait Madame de Staël et Benjamin Constant comme des écrivains importants, puisqu'il avait acquis des éditions originales de leurs œuvres, que nous exposons. Il y a aussi un lien familial entre la propriété où se trouve la Fondation et les Necker. Germaine de Staël était la cousine germaine de Jacques Necker-de Saussure, qui possédait ce domaine à la fin du XVIIIe siècle. Elle y est venue à plusieurs reprises. D'autre part, il y a dans la pensée et les publications des deux auteurs un esprit de liberté, de tolérance et d'ouverture à d'autres langues et d'autres cultures, qui cadre parfaitement avec les idéaux de la Fondation Martin Bodmer.
Pourquoi cette année?
L'année 2017 est celle de deux anniversaires: le bicentenaire de la mort de Madame de Staël, survenue, notez-le bien, un 14 juillet, ce qui n'est pas banal quand on sait combien la Révolution française l'a intéressée, et les deux cent cinquante ans de la naissance de Benjamin Constant. C'était l'occasion de présenter au public les documents les concernant en possession de la Fondation Martin Bodmer, mais aussi d'autres éditions et manuscrits intéressants, ainsi que quelques portraits et des objets rarement montrés. Je pense entre autres à cette cafetière représentant Jacques Necker, le ministre genevois de Louis XVI, père de Madame de Staël, ou à ces tabatières avec le portrait de Benjamin Constant. Ce natif de Lausanne était devenu député à l'Assemblée nationale française. Il s'y battait pour la liberté de la presse et l'abolition de l'esclavage, des causes qu'il partageait avec Madame de Staël. Sa popularité était telle qu'on vendait à Paris des objets à son effigie. C'était du marketing politique avant la lettre. Ces objets proviennent des collections du Musée Carnavalet à Paris, ainsi que le portrait de Benjamin Constant, qui n'y est pas exposé. Très curieux est un vase en provenance du château de Coppet, que les amis de Madame de Staël lui avaient offert en souvenir des représentations théâtrales qu'elle avait organisées en 1805 et 1806 dans un appartement loué par elle à la place du Molard. Leurs noms sont peints dessus.
Quelles autres raretés?
Dans cette vitrine-ci, par exemple, se trouve l'un des deux manuscrits originaux du contrat amoureux que Germaine et Benjamin avaient passé ensemble en 1796. Il s'agit de l'exemplaire de Benjamin, conservé dans un château français en mains de descendants des Constant. Parmi les manuscrits exposés, il y a ceux des journaux intimes de Benjamin, prêtés par la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne. Comme on peut le voir, l'écrivain utilisait un système de chiffres pour ne pas être lu, ou même il écrivait en français en utilisant l'alphabet grec! Le manuscrit d'un roman écrit par lui à l'âge de 12 ans, Les Chevaliers, est aussi visible. On peut se pencher sur un fragment autographe des Réflexions sur le suicidede Madame de Staël, que Martin Bodmer avait acheté. D'intéressantes lettres de la même à Charles Pictet-de Rochemont, prêtées par la Fondation des archives de la famille Pictet, sont montrées pour la première fois.
Et les imprimés?
Là nous avons les éditions originales des principaux livres de Madame de Staël, Delphine, Corinne, De l'Allemagne, que Martin Bodmer avait acquis. A ces volumes sont venus très opportunément s'ajouter ceux de la collection du bibliophile genevois Jean-Daniel Candaux. La Fondation Martin Bodmer en a fait l'acquisition récemment. Il s'agit d'un ensemble unique d'éditions de différentes époques des œuvres de Germaine de Staël, demeurées dans leur état d'origine. L'un des premiers textes qui fit parler de la future dame de Coppet était un essai philosophique consacré à Jean-Jacques Rousseau. La collection Candaux recelait l'une des premières éditions de 1788 de ces Lettres sur les ouvrages et le caractère de Jean-Jacques Rousseau, et la traduction anglaise du mêmeessai, datant de 1789. Cela fait une vitrine!
Comment cet héritage s'est-il transmis?
Les manuscrits et les objets à caractère familial appartiennent pour certains encore aux descendants des deux écrivains. On ne cache plus aujourd'hui qu'Albertine de Staël, la fille de Germaine, avait pour géniteur Benjamin Constant plutôt que son père officiel, le baron suédois Erik Magnus de Staël-Holstein. Leurs descendants qui ont gardé Coppet, la famille d'Haussonville, ont prêté plusieurs pièces à la Fondation Bodmer. Une autre branche conserve beaucoup de choses au château de Broglie en France, malheureusement sans permettre aux chercheurs d'y accéder. Du côté Constant, de nombreux documents ont été donnés à l'Etat de Vaud par les derniers Constant au cours du XIXe siècle.
Exposition«De Staël Constant, l'esprit de liberté», jusqu'au 1er octobre à la Fondation Bodmer www.fondationbodmer.ch
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