Évaluation des politiques publiquesGenève n’en fait pas assez pour réinsérer ses détenus
Selon un rapport de la Cour des comptes, le concept général est pertinent mais trop peu appliqué dans les faits. Les femmes sont discriminées.

Le concept de réinsertion des détenus, sur le papier, «c’est un menu trois étoiles, image François Paychère, magistrat de la Cour des comptes. Le problème c’est qu’à Genève, on sert un peu la tambouille…» Autrement dit, ce concept bien conçu n’est que très partiellement mis en œuvre, révèle un rapport de l’institution publié vendredi. Il varie fortement en fonction du profil des détenus et du taux de suroccupation des prisons.
Les femmes, «particulièrement maltraitées», se voient proposer moins de mesures de réinsertion que les hommes. Le travail qui leur est proposé est principalement «de type occupationnel (bricolage, crochet, buanderie etc.)». Pourquoi? Les hommes et les femmes ne sont pas mélangés, et il y a un rapport entre les ressources à disposition et le nombre de détenues, or elles sont minoritaires. La Cour suggère de mieux soutenir leur formation professionnelle.
De même, les détenus dangereux sont exclus de plusieurs mesures, ceux de langue maternelle étrangère sont privés de celles nécessitant une bonne maîtrise du français, et ceux condamnés à de courtes peines sont défavorisés car certaines mesures s’étalent sur plusieurs mois.
Un milieu ouvert quasi inexistant
Le «milieu ouvert», quand les détenus ne sont enfermés dans leur cellule que la nuit et circulent librement dans l’enceinte de l’établissement la journée, n’est pas assez développé. Alors que l’exécution de la peine en milieu ouvert constitue la règle selon la jurisprudence et la doctrine (sauf danger concret de fuite ou de récidive), à Genève, il est l’exception.
«Les affaires Adeline et Marie ont induit une grande retenue des autorités face aux risques de récidive.»
Le canton ne dispose que de six places au Vallon, actuellement sous-occupées. L’organe de contrôle indépendant recommande donc de favoriser le passage en milieu ouvert, par exemple en créant de nouvelles places, ce qui est prévu dans la décennie à venir. Une majorité d’acteurs du terrain relève que les affaires Adeline et Marie ont «induit une grande retenue des autorités face aux risques de récidive». La Cour encourage une réflexion sur ce qu’est un risque «acceptable».
L’obligation de travailler pas respectée
À Champ-Dollon, l’obligation de travailler, qui figure au Code pénal, n’est pas toujours respectée, notamment en raison du manque de places en atelier. En effet, cet établissement, au départ destiné à la détention avant jugement, accueille aussi des détenus après jugement. Le régime préventif qui leur est appliqué suppose une limitation des contacts avec l’extérieur.
La Cour recommande de mieux séparer les prisonniers en détention préventive de ceux en exécution de peine, à qui l’aile Est pourrait être réservée. À noter que les détenus qui n’ont pas accès aux ateliers restent dans leur cellule tout en touchant un demi-salaire. Le régime progressif (qui prévoit des allègements successifs, concernant les sorties, le travail etc.) est également peu respecté.
Au final, ce n’est pas un scoop, le parc immobilier pénitentiaire est jugé inadéquat. Rappelons qu’après le refus de la prison des Dardelles par le parlement, le conseiller d’État Mauro Poggia ambitionne de détruire Champ-Dollon d’ici à 2030 pour construire quatre nouveaux bâtiments à la place.
Les recommandations de la Cour ont toutes été acceptées par l’Office cantonal de la détention. En attendant le changement de murs, Raoul Schrumpf, directeur stratégique, assure travailler «pour augmenter les ateliers et les parloirs virtuels».
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