Avouons que la politique nous offre des moments forts. Cette semaine, ce sont les Vaudois qui ont ouvert le spectacle avec la cérémonie d’adieux de quatre conseillers d’État. La prestation du grand départ n’a pas échappé aux Genevois. Nul, au bord du lac de Genève, ne peut ignorer les deux mâles alpha Broulis et Leuba, respectivement vingt et quinze ans au compteur. Leurs bons mots, leurs petites et grandes affaires, tout ce qu’on aime à Genève.
Prendre congé, c’est toujours un moment fort en politique, où les fumeuses promesses de candidats cèdent la place aux «bilans vérité». On écoute les regrets sincères, on reconnaît quelques rares échecs et on magnifie ses succès. Avec une certaine simplicité. Il n’y a plus d’enjeux. La tension retombe. Le moment de régler les comptes est dépassé.
«Luc Barthassat cumule sa récente séquence départ émotion avec les espoirs de renouveau, autre mamelle du bonheur en politique.»
Et puis, il arrive que le corps finisse par parler. Des larmes ont coulé mardi soir sur le pupitre du Grand Conseil. C’étaient celles de Pascal Broulis, étranglé par l’émotion, mais il s’agissait bien d’une thérapie de groupe. Les jours de grand départ, on s’aime un peu plus ou on se déteste un peu moins, même en politique. Et il est l’heure de saluer, au-delà des échecs, des erreurs et des faiblesses coupables, l’engagement véritable pour la chose politique. Que certains soient poussés par l’ego, qu’ils manquent de vision, qu’ils soient même peu capables ou incompétents, que leurs idées soient contraires aux vôtres, il reste cette implication citoyenne, en soi remarquable. Les gens et acteurs de la vie publique sont impitoyables avec leurs élus. Les journalistes traquent l’erreur par métier. Une nécessité. Mais saluons, pendant quelques secondes, en fin de mandat par exemple, l’investissement dans le politique, pour le meilleur comme pour le pire. Merci aux Vaudois pour cette sortie groupée magistrale.
Mais, cela ne vous surprendra pas, Genève a fait encore mieux cette semaine. Ce fut la semaine du grand retour. Luc Barthassat, ex-conseiller d’État PDC (2013-2018), a annoncé qu’il allait créer un nouveau parti du nom de Civis, et qu’il envisageait de se (re)présenter au Conseil d’État en 2023.
Son programme, en gros: «c’était mieux avant», soit quand il était aux affaires, avant qu’il ne soit pas réélu. Respect. D’un coup, il cumule la séquence «départ émotion», encore dans tous les esprits, avec la fraîcheur et les espoirs de renouveau, autre mamelle du bonheur en politique. Peut-il se remettre en selle? Il y croit en tout cas: «Je le vois bien, dans le bus, tous ces gens qui me disent leurs frustrations et voient que c’était mieux avant.» Bon signe. Au lieu de se fier aux milliers de likes de son compte Facebook autrefois sa boussole, il prend désormais la température dans les TPG. On peut railler et s’en amuser. Mais saluons ce Barthassat obsédé par la chose publique. Il apporte sa petite contribution au débat démocratique. Son engagement est véritablement citoyen, même s’il poursuit aussi un avantage personnel: celui d’autoriser les motos à rouler sur les voies de bus…
Les chances de l’ex-PDC et ex-MCG sont infimes, voire beaucoup moins. Mais s’il réussissait à revenir au gouvernement si longtemps après son départ, ce serait à notre connaissance une première. Luc inscrirait alors son nom dans l’histoire genevoise. Le problème, c’est qu’il y a un autre ex-conseiller d’État, autodémissionné en 2021, qui pourrait avoir de semblables ambitions. Laissons-leur leurs rêves de victoire. Le perdant, lui, est déjà clairement identifié. La droite qui, plus que jamais, part au combat en mode éclaté.
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Chronique – Genève fait encore mieux que Vaud!