Lettre du jourGenève doit-elle quitter la Suisse?

Genève, 22 juin
Berne défend-elle encore les intérêts du canton et les valeurs de la Genève internationale? Sa volonté de réexaminer la neutralité active au profit du néologisme «neutralité collaborative» nous en fait très fortement douter! […]
On nous vend une «nouvelle pondération entre la stricte équidistance vis-à-vis des États en guerre et la défense de nos valeurs, comme la démocratie et les droits de l’homme». Joli discours alambiqué mais totalement inapplicable et inappliqué. Pour exemples: la Suisse boycottera-t-elle les États-Unis pour ses guerres en Irak, en ex-Yougoslavie, etc., sa prison de Guantánamo et la persécution de Julian Assange […]? Fermera-t-elle ses frontières avec la France à cause de son interventionnisme en Libye et son soutien à des pays africains dictatoriaux? Adoptera-t-elle des restrictions vis-à-vis de la Chine pour sa répression au Tibet et des Ouïgours?
Tous ces pays, y compris la Russie, n’ont pas signé l’article des Conventions de Genève qui permet à la Commission internationale humanitaire d’enquêter sur les crimes de guerre perpétrés à l’encontre de civils par un État! Si le Conseil fédéral veut défendre les droits de l’homme, il devra commencer par les appliquer aux membres permanents du Conseil de sécurité. D’ailleurs, quelle majorité politique suisse sera capable de définir en toutes circonstances et de manière durable un critère permettant de boycotter un pays démocratique menant une guerre «préventive»?
Seule une neutralité «stricte» est pragmatique et cohérente à long terme aux yeux des pays du monde entier. Sans cela, tous les organismes opérant à Genève seront déplacés ailleurs selon la volonté des pays boycottés, ce qui est déjà le cas de la Russie. Que perdra alors Genève? Environ 35’000 personnes employées dans les OI, ONG et missions permanentes qui font que ce canton représente un centre de la gouvernance mondiale et une plaque tournante opérationnelle de la diplomatie multilatérale. […]
Le Conseil fédéral doit comprendre que sa décision pourrait contraindre Genève à privilégier son indépendance pour préserver une neutralité stricte, seule garante de maintenir un outil utile à tous!
Séverin Brocher
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