Fumette, buvette, cigarette, même combat
Une initiative veut traiter le chanvre comme l'alcool ou le tabac. Cette nouvelle loi réglementerait la culture, le commerce, la taxation et la prévention.
Les volutes de la fumette refont surface dans les couloirs du Palais fédéral. Neuf ans après le dernier échec en votation de la dépénalisation du cannabis, une initiative parlementaire a été déposée jeudi par le groupe des Verts. Elle demande la création d'une loi fédérale sur le chanvre. Ce texte réglementerait aussi bien la culture du cannabis que son commerce ou sa taxation, sans oublier les mesures de prévention et de protection de la jeunesse.
«Cette base légale serait construite sur le même modèle que celles qui régissent l'alcool ou le tabac, explique Lisa Mazzone (GE), vice-présidente du parti écologiste. Aujourd'hui, la consommation de cannabis est une réalité. Il s'agit de l'accompagner pour protéger le consommateur, pas de fermer les yeux.»
Et les Verts d'aligner les arguments. Trente et un pour-cent de la population a déjà touché au cannabis, alors qu'on estime à 300 000 le nombre de consommateurs réguliers, de toutes les catégories d'âge. L'interdiction et les amendes n'y changent rien. En 2015, la police a dû verbaliser plus de 45 000 fois. Une dépense d'énergie et de coûts, qui ne permet en rien d'éviter un marché noir. Pire, la non-réglementation du cannabis engendre des produits dont le contenu est souvent douteux, avec la présence de métaux lourds (notre édition de mardi). Un commerce lucratif et dangereux qui échappe au fisc helvétique.
Retombées économiques
Un tableau noir que cette nouvelle loi pourrait améliorer. «La production, le commerce et la consommation de cannabis seraient réglementés, détaille Lisa Mazzone. Notre projet permettrait de contrôler la qualité des produits vendus, de protéger les mineurs et d'encadrer la recherche à des fins médicales.» Les retombées économiques ne sont pas oubliées. Selon les Verts, 300 à 600 millions d'impôts pourraient être perçus si la taxation était la même que pour le tabac. Autant d'argent qui pourrait être investi dans la prévention. Avec un prix de vente de 10 à 20 francs le gramme, les Verts estiment que le marché du chanvre représente un volume de 500 millions à 1 milliard en Suisse. «La réglementation serait une chance pour l'agriculture locale, ainsi que pour les consommateurs qui pourraient bénéficier de produits de qualité cultivés en Suisse, sans pesticides ni métaux lourds. Le chanvre est aussi intéressant sur le plan pharmacologique et a un fort potentiel pour la recherche et la médecine.» Et Lisa Mazzone de citer l'Allemagne ou les Pays-Bas qui ont déjà fait des pas dans cette direction.
Tactique du salami
Dans son futur combat, le parti écologiste peut compter sur le soutien des socialistes. Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE) salue la proposition. «Cela permet de faire revenir le dossier sur la scène fédérale. C'est une opportunité alors que de nombreuses villes tentent des projets pilotes» (lire ci-contre). Les partisans soulignent aussi l'arrivée du cannabis légal qui a «démocratisé» la consommation de ce qui n'est plus forcément considéré comme une drogue.
Les mentalités ont-elles changé à ce point? Pas sûr. Le parlement est saisi de plusieurs propositions qui visent à limiter les projets pilotes et à diminuer la recherche. Bien que les partisans répètent qu'il ne s'agit pas de «légaliser le cannabis, mais de le dépénaliser», certains élus ne veulent pas en entendre parler. «C'est la fameuse tactique du salami», réagit Andrea Geissbühler (UDC/BE). Pour cette conseillère nationale très engagée dans la lutte contre le cannabis, l'objectif des Verts est évident: légaliser. «Le peuple s'est déjà prononcé à deux reprises sur cette question. On essaie de contourner sa volonté en passant par le parlement.»
Ancien policier, Roger Golay (MCG/GE) a toujours soutenu la politique de la drogue des quatre piliers (prévention, thérapie, réduction des risques et répression), mais ce projet des Verts l'inquiète. Il craint qu'une démarche isolée de la Suisse entraîne un tourisme du chanvre. «S'il n'y a pas de concertation au niveau européen, le risque existe que nous devenions l'eldorado du cannabis et une plaque tournante du trafic de stupéfiants.»
Même du côté des paysans, la réaction est plutôt timide. «Personnellement, je suis opposé à toute libéralisation dans ce domaine, répond Jacques Bourgeois (PLR/FR), directeur de l'Union suisse des paysans. Le cannabis peut être une porte d'entrée vers d'autres drogues». Le monde agricole a-t-il le luxe de se passer de potentiels débouchés? «S'il y a un marché à prendre, l'agriculture saura s'adapter.» D'autres sont plus enthousiastes. Lors d'une consultation dans le canton de Genève, le milieu agricole s'était montré favorable à un tel projet.
Récolte de signatures
Pour les milieux de la prévention, cette initiative montre surtout que la situation actuelle n'est pas satisfaisante. «Entre les projets pilotes des villes et le cannabis légal, la confusion règne, reconnaît Corine Kibora, porte-parole d'Addiction Suisse. Ce qui rend la loi actuelle difficile à appliquer. L'intérêt de ce texte est de traiter le cannabis sous toutes ses formes: produit agricole, cosmétique, thérapeutique et psychoactif. Un modèle de régulation qui prévoit entre autres une taxation dont les montants seraient reversés aux assurances sociales et qui met au centre la prévention et la protection de la jeunesse mérite qu'on l'étudie.» Les milieux de la prévention suivent de près les projets pilote des villes. «Il faudra tenir compte des évaluations de ces projets avant de vouloir changer l'arsenal législatif.»
Si l'initiative parlementaire des Verts devait échouer sous la Coupole, le peuple pourrait bien avoir le dernier mot. Fin avril, l'association Legalize it lançait une initiative populaire. Les initiants attendent le feu vert de la Chancellerie pour lancer la récolte des signatures.
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