Le 26 mai 2021, le Conseil fédéral mettait abruptement fin à plus de dix ans de négociations avec notre principal partenaire commercial et politique. A-t-il pour autant trouvé une alternative à la conclusion d’un accord-cadre institutionnel? Un an après, rien ne semble l’indiquer. Au contraire, les derniers échanges officiels entre Berne et Bruxelles démontrent que l’impasse reste totale. Notre gouvernement n’est même plus capable de préserver les apparences du leadership. Le «dialogue» engagé depuis l’année dernière ne fait plus illusion. En réalité, il n’est qu’une façade masquant l’inaction coupable du Conseil fédéral. Il y a quelques jours, la très sérieuse commission de politique étrangère du Conseil des États s’est émue de la situation et est apparue très préoccupée du fait que les positions de l’UE et de la Suisse n’ont jamais été aussi éloignées. Et ce n’est pas tout, le Conseil fédéral devait élaborer un rapport complet sur l’état des relations avec l’UE au début de l’année 2022, en réponse notamment à un postulat de Martin Naef… datant de 2017! Or, ce rapport tarde à être publié, comme s’il ne s’agissait pas là d’une priorité.
Ces échecs politiques à répétition doivent désormais nous alarmer. La recherche suisse manque de compétition depuis sa sortie du programme «Horizon Europe», ce qui se traduit progressivement par une provincialisation de nos universités. En outre, l’un des fleurons de notre industrie, la medtech, est touchée par des contraintes administratives importantes sur ses exportations en direction de l’UE (occasionnant des surcoûts de 114 millions en 2021 et désormais de 75 millions de francs par année selon Swiss Medtech). Dans quelques mois, c’est la grande industrie des machines qui subira le même sort avec des surcoûts probablement supérieurs. Enfin, la Suisse est toujours exclue du marché européen de l’électricité (market coupling), alors même que de graves incertitudes pèsent sur notre approvisionnement de même que sur notre transition énergétique.
Puisque le Conseil fédéral refuse d’assumer la responsabilité de la conduite de la politique européenne du pays, le parlement doit désormais reprendre les choses en main. Nos élus doivent se mettre au travail et tracer un nouveau cap politique. In fine, ce nouveau cap doit contraindre le Conseil fédéral à reprendre le chemin des négociations.
Ces négociations se déclinent en deux volets.
Le volet interne: les partenaires sociaux, les cantons et les partis politiques doivent trouver un terrain d’entente sur les questions qui fâchent (la révision des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes, la reprise de la directive 2004/38 et la question des aides d’État). Bien sûr, la tâche ne sera pas simple mais le Conseil fédéral ne pourra négocier sereinement sans être en mesure de s’appuyer sur un consensus interne suffisamment large.
Au niveau externe: il faudra reprendre les négociations avec Bruxelles en se basant sur le texte du défunt accord-cadre et, nécessairement, l’adapter pour qu’il convienne au mieux à nos contraintes internes.
Ces dernières années, plusieurs idées ont déjà été formulées pour arrondir les angles. Au niveau externe, la Suisse pourrait négocier avec la Commission européenne une entrée en vigueur par étapes des dispositions sensibles de l’accord-cadre institutionnel (par exemple en matière de protection salariale). Un tel aménagement permettrait de mieux surveiller les effets de la mise en œuvre de l’accord en Suisse et de procéder à des ajustements rapides. Ces ajustements devraient être préparés assez tôt par les milieux concernés. Par exemple, les partenaires sociaux et la Confédération pourraient s’entendre pour mettre en œuvre de nouvelles mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes eurocompatibles afin de compenser les éventuels effets négatifs des révisions législatives demandées par l’UE.
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L’invité – Fin de l’accord-cadre: un an et rien de fait