Performance participativeFaites mieux que Berset pour stopper la pandémie!
Avec les concepteurs de jeux de la Team Kaedama, Yan Duyvendak propage «Virus», une particule démocratique qui donne au spectateur le rôle du décideur.

Il est décidément très fort, ce Yan Duyvendak qui colporte à travers l’Europe la performance made in Geneva. Non content de simuler une pandémie sur scène, l’artiste d’origine néerlandaise va jusqu’à déjouer le cours du temps. Son nouveau concept, «Virus», sortait de laboratoire en 2019, avant la première vague de Covid. Suspendu dans sa diffusion pour les raisons mêmes qu’il anticipait, il s’inocule depuis le début du mois dans les neurones du bout du lac. Imaginée comme une prophétie, l’expérience se donne à vivre comme un retour sur image: mais une image dont le spectateur est cette fois le protagoniste.
De 40 à 80 inconnus envahissent telles des bactéries le plateau de la salle modulable de la Comédie. En fonction de l’instance du pouvoir à laquelle ils ont choisi de s’affilier – santé, sécurité, économie, presse, population, ressources vitales, recherche –, ils portent une chasuble de couleur différenciée et se réunissent par groupes autour de tables où un flacon de gel hydroalcoolique jouxte un calepin et de faux billets de banque. Chaque cellule aura ses missions à accomplir, ravivant la terminologie anxiogène à laquelle les récentes années nous ont habitués. «Épizootie», «doses de vaccin», «traitements antiviraux», «mesures sécuritaires», «télétravail» et tout le tintouin.

Chacune aura surtout d’urgentes décisions à prendre, à l’issue de concertations et négociations internes ou interministérielles, lesquelles influenceront l’avenir de la société en affectant les présentes courbes de progression du dangereux H7N9. Deux coordinateurs, munis de micros et de documents à dispatcher – dans le rôle des événements impondérables – veillent au bon fonctionnement de l’ensemble dans les délais impartis. Bombardé spécialiste, chaque participant doit puiser tantôt dans son savoir, tantôt dans ses dons d’observation, sa faculté de communication ou ses convictions intimes pour mener la barque collective sans causer trop de dégâts collatéraux.

Yan Duyvendak ne laisse pas souffler son public. Rappelez-vous, voici bientôt dix ans, il le faisait délibérer un verdict après le procès qu’il intentait à Hamlet («Please, continue (Hamlet)»). Peu auparavant, avec la collaboration de Nicole Borgeat, il lui infligeait «7 Minutes de terreur» en le lançant en orbite dans l’espace-temps interplanétaire. Quelques années plus tard, il le plaçait en face de ses responsabilités sociales vis-à-vis des migrants («Actions»). Tout récemment, il l’invitait à mettre ses compétences en commun en vue de résoudre une énigme («Twist»). Avec «Virus», l’activiste revisite moins un scénario pandémique qu’il ne fabrique une cité sur scène. Chapeau.
«Virus», jusqu’au 5 mars à la Comédie, www.comedie.ch
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