SantéFaire du sport pour réduire les complications
L’Hôpital de La Tour a lancé un programme Sport et grossesse. L’activité sportive avec des précautions permettrait de réduire les risques d’hypertension et de diabète gestationnels.

Rester tranquille en limitant l’effort ou continuer à pratiquer une activité physique régulière? Lorsqu’il s’agit de sport, les femmes enceintes se retrouvent souvent face à des injonctions contradictoires. L’activité physique a longtemps été associée à une augmentation du risque de fausse couche et de prématurité.
Pourtant, de nombreuses études, notamment nord-américaines, montrent aujourd’hui que rester active, avec certaines précautions, entraîne des bénéfices pour la maman et le bébé, soutient Agnès Ditisheim, spécialiste en médecine maternelle au Centre de médecine fœto-maternelle à l’Hôpital de La Tour. La spécialiste vient justement de créer un programme Sport et grossesse, en collaboration avec Aurélie Gaziaux, physiothérapeute, et Aurélie Delacroix-Tarenne, coach et coordinatrice de l’équipe santé-performance de l’institution.
Quatre cours d’une heure par semaine sont proposés depuis le printemps, avec pilates, aquagym, stretching, sophrologie et renforcement doux. Ce lundi, cinq futures mamans font travailler bras et pectoraux. Juliette, enceinte de 5 mois, veut éviter de développer du diabète gestationnel, comme lors de sa première grossesse.
La médecin de Maeva, enceinte de 6 mois, lui a prescrit ce cours pour atténuer son mal de dos et pratiquer une activité physique «en étant guidée». Quant à Carla, elle souhaite «garder la forme et atténuer le stress, mais je ne savais pas quels exercices je pouvais faire». Le cours prescrit par un gynécologue est remboursé par l’assurance de base. Sinon il coûte 30 francs à l’unité mais il est pris en charge par certaines complémentaires.
Impacts et chocs déconseillés
Le maître mot est «adapter», résume Aurélie Delacroix-Tarenne. La future maman peut continuer à bouger mais en adaptant le rythme, les positions, la durée. Agnès Ditisheim préconise ainsi, en s’appuyant sur des recommandations des sociétés d’experts, cent cinquante minutes d’activité modérée par semaine – monter un escalier est comptabilisé.
Par «modéré», on entend qu’il faut être capable de formuler une phrase pendant l’effort, sans être trop essoufflée. Il y a toutefois des exceptions: dans certaines situations obstétricales – col raccourci, saignements notamment –, le sport est déconseillé. Mais la spécialiste précise que cela représente une minorité de cas, «la grande majorité des femmes enceintes peut faire du sport».
De plus, certaines activités sont clairement déconseillées, comme celles qui comportent un haut risque de chute, d’impacts et de chocs – boxe et ski par exemple –, et qui se pratiquent en haute altitude – plus de 2500 mètres – ou en profondeur – plongée sous-marine, précise la coach.
Quid de la course à pied? «Si on n’en faisait pas régulièrement avant d’être enceinte, on ne s’y met pas durant la grossesse, répond la médecin. Ce n’est pas contre-indiqué mais il faut avoir une bonne pratique au préalable, notamment une bonne endurance physique et une bonne musculation pelvienne.»
Les abdominaux en respiration bloquée sont à éviter «car ils entraînent une surpression sur l’utérus». On peut les travailler d’une autre manière, avec des exercices de pilates. Quant au vélo, c’est le risque de chute qui est problématique. «Mais si on en a toujours fait, on peut continuer si on se sent à l’aise.»
Un moyen de prévention
Une fois ces précautions prises, la médecin énumère les bienfaits d’une pratique sportive régulière: diminution du risque d’hypertension et de diabète gestationnels, de prééclampsie (élévation de la tension artérielle pouvant entraîner de graves complications), d’une prise de poids excessive.
«C’est également un moyen de prévention sur le plus long terme, pour éviter que les femmes présentant une prédisposition au diabète ou à l’hypertension ne développent une maladie avérée plus tard.» Elle relève encore une atténuation des douleurs du dos, ainsi qu’une diminution des symptômes dépressifs et de l’anxiété.
Le bébé profite indirectement de ces bienfaits: le diabète gestationnel, par exemple, peut entraîner des modifications dans l’expression génétique, qui le prédisposent à développer plus tard cette pathologie.
Pas d’idée de performance
Agnès Ditisheim et Aurélie Delacroix-Tarenne insistent sur la visée du programme: «On n’est pas dans la performance, on ne cherche pas le dépassement de soi mais le bien-être.» Pas question non plus d’avoir un discours moralisateur ou culpabilisant: «On tend à rendre les femmes responsables des problèmes médicaux auxquels elles font face, en lien notamment avec le surpoids et la sédentarité, regrette la médecin. Il faut arrêter de les blâmer. Ce sont en réalité des problématiques complexes, qui soulèvent, entre autres, des questions sociétales et économiques.»
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