Face à Macron-Jupiter, Mélenchon se hisse en mélange de Panoramix et Louis XI
Le leader de La France insoumise s'est vu au 2e tour de la présidentielle. Qui est le premier opposant du président? Portrait d'un politicien qui a su se réinventer

Jean-Luc Mélenchon les veut tous place de la Bastille à Paris cet après-midi du samedi 23 septembre. Tous, ce sont les «fâchés qui ne sont pas fachos», précise-t-il. Cette colère française doit alimenter le «grand déferlement» que La France insoumise prépare depuis des semaines contre la réforme du code du travail d'Emmanuel Macron.
A 66 ans, et à peine cinq mois après cette présidentielle qui l'a vu flirter avec le 2e tour (4e finalement, avec 19,58% des suffrages exprimés), le désormais député des Bouches-du-Rhône se veut le premier opposant au président de la République. Le tribun de la gauche de la gauche veut démontrer que le peuple est avec lui.
Violence oratoire rare
La gauche en France, c'est désormais Jean-Luc Mélenchon. Celui qui fut le plus jeune sénateur de l'Hexagone en 1986 sous les couleurs du PS a réussi à faire oublier une vie passée dans les arcanes du pouvoir socialiste. Mais s'il reste profondément respectueux de François Mitterrand, Jean-Luc Mélenchon, depuis qu'il a quitté le parti à la rose en 2008, n'a cessé de tout faire pour détruire son ancienne famille.
«A gauche, plus personne n'est d'accord sur rien», explique le politologue Pascal Perrineau. «C'est donc chacun pour sa boutique. Et pour qu'il y ait recomposition, il faut que la décomposition soit totale. Jean-Luc Mélenchon peut alors apparaître comme solide», poursuit-il. Soit un référent dans le chaos ambiant.
C'est chez la philosophe belge Chantal Mouffe que Jean-Luc Mélenchon est allé puiser l'inspiration. De délibérative et libérale, la démocratie doit devenir radicale et approfondir la révolution. De là viendrait la rhétorique de Jean-Luc Mélenchon, marquée par une violence oratoire rare.
C'est d'ailleurs ce trait de caractère – «violent» – que les Français lui attribuent en premier dans les derniers sondages. Lors de la présidentielle, il avait pourtant adouci son image: perte de poids et relooking avec ses costumes d'instituteur sage. Il préférait aussi l'humour à la brutalité dans ses traits d'esprits, le plus souvent brillants. Mais avec le vertige d'une possible victoire – tous en attestent, il s'est cru en finale – Jean-Luc Mélenchon est revenu à ses excès et à ses agressions: contre ses adversaires, contre la presse, contre les institutions.
Il y a sans doute une certaine frustration chez Jean-Luc Mélenchon, qui répète qu'«à 600 000 voix, il était au 2e tour, et alors tout était possible». Il y a aussi la conscience qu'il a été le meilleur allié d'Emmanuel Macron. Tout d'abord, cette volonté de changement qui a profité au jeune météore de la politique française, le leader de La France insoumise l'a théorisée avant lui. Il lui a même donné un nom: le «dégagisme». Ensuite, Jean-Luc Mélenchon a capté une partie de la vague FN qui montait. Sans l'extraordinaire campagne de Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen aurait eu deux à trois points de plus et terminait en tête du 1er tour de la présidentielle.
Panoramix et Louis XI
C'est cette conviction qui anime le propos de Jean-Luc Mélenchon contre Emmanuel Macron. «Il a réussi à installer le thème de l'illégitimité. Toujours très fort en formules, Jean-Luc Mélenchon appelle cela le coup d'Etat social», analyse le politologue Dominique Reynié, qui travaille en ce moment sur les populismes.
Reste à savoir qui s'en plaindra. Pas Emmanuel Macron, qui persiste à désigner Jean-Luc Mélenchon comme son principal contradicteur et maintient ainsi un large espace au centre de l'échiquier. En effet, le tribun a trop d'aspérités pour réussir à agréger davantage que les colères et les contestations des Français. Bien qu'elles soient nombreuses en attendant les résultats promis par les réformes.
Pour le coup, Jean-Luc Mélenchon se pose en roi de la contestation face au roi de la République. En homme de la rue face à l'homme des élites. En leader des classes laborieuses et des laissés-pour-compte. Un discours bien rôdé qu'il sert depuis quarante ans de vie politique mais qu'il a su réadapter à la nouvelle donne. Il est ainsi très actif sur YouTube et les réseaux sociaux, et a beaucoup misé sur l'engagement des militants de La France insoumise, avec lesquels il entretient une relation verticale et sans intermédiaire. Un fonctionnement très proche de celui de la «République en marche» et de son leader jupitérien; les destins des deux formations sont d'ailleurs définitivement liés en cette année 2017.
Et pour ceux qui aiment les symboles, Jean-Luc Mélenchon se voit tour à tour en Panoramix et en Louis XI. Soit le druide sans qui rien ne serait possible. Eh oui, sans sa potion magique, que seraient devenus les vaillants Gaulois qui résistent à l'envahisseur? Et le monarque Louis XI, qui fut longtemps un roi de France méconnu, mal-aimé et sous-estimé par les historiens. Avant d'être réhabilité. Brillant d'érudition, Jean-Luc Mélenchon n'hésite pas à manier les symboles. A la truelle quand il le faut.
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