20 ans du 11 septembreFace à l’horreur de l’attentat, la peur d’écrire des banalités
À 16 heures environ, la journée de Dominique von Burg, rédacteur en chef de la «Tribune de Genève», et de sa rédaction bascule. Il faut produire un journal à la hauteur de l’événement.

Le 11 septembre 2001, Dominique von Burg occupe le poste de rédacteur en chef de la «Tribune de Genève». Aux alentours de 16 heures, il est appelé en salle de briefing. Devant la télévision, quelques membres de la rédaction regardent, incrédules, les images d’un avion percutant l’une des deux tours jumelles.
«J’ai d’abord cru à de la fiction, se souvient le principal intéressé. On avait du mal à comprendre ce qui était en train de se passer.» En direct, le rédacteur en chef voit le deuxième avion «s’enfoncer dans l’autre tour». Il n’y a plus de doute, l’Amérique est attaquée et la journée de la rédaction vient de basculer dans une autre dimension.
Les pubs à la trappe
«Tout est allé très vite, raconte Dominique von Burg. Avec l’équipe, nous avons pris la décision de dégager tout le premier cahier de ses pubs, pour avoir assez de places à consacrer à l’événement. Sans compter que les annonceurs n’auraient probablement pas souhaité être associés à cette tragédie.»
«J’ai failli y renoncer à l’édito. Nous disposions de trop peu d’informations pour proposer une vraie analyse et je craignais les banalités.»
C’est donc 24 pages intégralement dédiées à l’événement qui sont imaginées. Le bouclage est prévu pour 23 heures, il faut maintenant les remplir. «En tant que rédacteur en chef, l’édito du jour me revenait forcément, explique le principal intéressé. Mais étrangement, je ne me sentais pas très inspiré. J’ai même failli y renoncer. Nous disposions de trop peu d’informations pour proposer une vraie analyse et je craignais les banalités.»
Avant les réseaux sociaux
La chronique s’intitule finalement «Le colosse K.-O. Et maintenant?». Elle pose les questions de la revendication de l’attentat, mais aussi du statut des États-Unis dans un monde où ses ennemis n’hésitent plus à attaquer sur son sol. La réponse du nouveau président, George W. Bush, est aussi attendue.
«Je me rappelle encore des verres que nous avons partagés ensuite, tout en sachant qu’il faudrait remettre ça le lendemain.»
De son côté, la rédaction se mobilise, écrit, vit. Dominique von Burg échange, participe, oriente. Pour le rédacteur en chef fraîchement nommé, la journée marquera un tournant dans son mandat. «L’énergie était folle dans les locaux. Nous n’avons pas arrêté une minute et avons attendu ensemble le premier tirage. Je me rappelle encore des verres que nous avons partagés ensuite, tout en sachant qu’il faudrait remettre ça le lendemain.»
Rentré chez lui, Dominique von Burg se souvient avoir «regardé encore un peu la télévision». À l’écran, les mêmes images tournent en boucle. «Aujourd’hui, la couverture de l’événement n’aurait rien à voir, conclut ce dernier. Avec les réseaux sociaux, on aurait eu droit à une avalanche d’images, de vidéos et à tout un tas de théories du complot non vérifiées et difficilement vérifiables.»
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