Un élève qui préfère recevoir une mauvaise note pour une dictée plutôt que d’écrire le nom de son Dieu. Un créationniste qui conteste la tectonique des plaques au nom de la Bible. D’autres encore, qui lors d’un débat en classe sur l’affaire Mila, cette lycéenne harcelée sur les réseaux sociaux pour avoir critiqué l’islam, estiment qu’«elle l’a bien cherché»…
Être professeur d’histoire-géo dans la France de 2020 n’a plus rien du cours pépère sur le Roi-Soleil ou les maquettes de volcans. Après la décapitation de Samuel Paty, les langues se délient et les témoignages nous sidèrent en Suisse, où ces matières n’ont jamais été contestées. Comme chez nous, les profs français incluent dans leur cours l’éducation à la citoyenneté et à la liberté d’expression: le Siècle des Lumières, l’affaire Dreyfus, «Charlie Hebdo» sont au programme pour «semer des petites graines», comme dit l’un d’entre eux, développer des esprits libres et critiques.
«Semer des petites graines, développer des esprits libres et critiques»
Mais en face d’eux, c’est de plus en plus la dérive d’ados désinformés, croix gammées gribouillées sur les cahiers. Des ados, qui, grâce à Instagram et TikTok, ont déjà un avis sur tout, imparfait et tronqué, auquel s’ajoute celui de la famille. Sur le millier de signalements d’atteintes à la laïcité ces six derniers mois, 20% concernaient les parents.
Et on est loin de la réalité, puisque beaucoup d’incidents sont passés sous silence, par refus de stigmatiser l’élève, mais aussi par peur. Alors, lorsqu’il faut aborder en classe la décolonisation à travers l’exemple de l’Algérie ou de l’Inde, certains profs choisissent Gandhi. Franchement, qui peut leur en vouloir? Samuel Paty a choisi d’enseigner et non de se censurer. Le gouvernement français entendra-t-il l’appel de ses collègues, avant la prochaine fatwa?
Virginie Lenk est journaliste à la rubrique internationale depuis 2019, spécialiste de l'environnement. Elle a travaillé auparavant à la RTS.
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Éditorial – Être prof d’histoire-géo en 2020