Étrange suspense autour du président Bouteflika
Le chef de l'État briguera-t-il un cinquième mandat? Les candidats pululent, même si l'espoir est ténu.

Étonnante Algérie. Pas moins de 153 lettres de candidature ont déjà été soumises en vue de l'élection présidentielle du 18 avril, selon les chiffres du Ministère de l'intérieur. Parmi les postulants figurent 14 leaders de partis politiques et 139 indépendants. Et ce n'est pas terminé, car le délai court encore jusqu'au 3 mars à minuit! Mais paradoxalement, alors même que déferle ce raz-de-marée d'aspirants à la fonction suprême, tout le monde semble convaincu que le président Abdelaziz Bouteflika briguera un cinquième mandat et qu'il sortira forcément vainqueur du scrutin.
«Cette myriade de candidatures est justement due à l'incertitude entourant la candidature du président Bouteflika», décrypte Hasni Abidi, chargé de cours au Global Studies Institute de l'Université de Genève. «Il se déclarera probablement à la toute dernière minute, comme en 2014. Face à lui, les personnalités autorisées à concourir ne joueront qu'un rôle de «lièvre», comme on dit. Ce seront des faire-valoir de l'élection. Le seul qui sort du lot, c'est le général-major à la retraite Ali Ghediri, un homme issu du système mais qui appelle à une rupture politique pour en finir avec l'opacité du pouvoir et revenir à l'esprit de la Constitution.»
«En Algérie, tout se décide en coulisses, dans un jeu d'influences entre trois pôles interdépendants: le clan présidentiel, l'état-major des armées et enfin les milieux d'affaires, qui se sont enrichis grâce aux contrats publics financés par la rente pétrolière et qui contrôlent les médias», note le chercheur. «Autrefois, le troisième pôle, c'était les services de renseignement du général Toufiq. Mais Abdelaziz Bouteflika a réussi à l'écarter du jeu, de même qu'il a limité l'influence de l'armée. À 81 ans, malgré son état de santé, il reste incontournable. Il n'a pas de successeur. Le président est un maître de l'équilibrisme, mais il n'a pas de grande vision pour développer le pays, il n'a pas vraiment lancé de réforme en profondeur.»
Pourquoi la victoire lui serait-elle promise? «D'abord parce qu'aucun autre candidat ne dispose d'un tel soutien de l'administration et des milieux d'affaires. Ensuite, bien sûr, grâce au bourrage des urnes. Mais il bénéficie aussi d'une certaine popularité, lui qui fut l'artisan de la réconciliation nationale après la guerre civile (ndlr: 200 000 morts entre 1992 et 2002) et qui a traversé sans dommage le Printemps arabe. Les électeurs restent traumatisés par les années noires et ne veulent surtout pas prendre le risque de suivre l'exemple de la Libye ou de la Syrie. Enfin et peut-être surtout, le pouvoir a dégoûté les Algériens de la chose publique. Du coup, l'abstention atteint des sommets.»
Comment, dès lors, expliquer la multiplication des candidatures? «L'état de santé précaire du président a laissé certains espérer qu'il ne pourrait pas se présenter aux élections», note Hasni Abidi. Le chef de l'État est diminué par les séquelles de l'AVC dont il a été victime en 2013. Cloué dans un fauteuil roulant, il apparaît rarement en public et ne fait plus de déclarations officielles. Il semble d'ailleurs qu'il ait été transporté, ces derniers jours, à l'hôpital de Grenoble via l'aéroport de Genève. «Mais pour bien des candidats, les élections sont surtout une opportunité rare de se faire voir, d'exister dans un paysage politique qui s'anime soudain pour quelques semaines. Ce qui semble clair, c'est que le président Abdelaziz Bouteflika, arrivé au pouvoir en 1999, compte s'accrocher à son trône jusqu'à son dernier souffle.»
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