Mardi, je me trouvais dans un Uber à Paris. Oui, le jour même où la réforme des retraites mobilisait plusieurs dizaines de milliers de manifestants, bloquant trains et métros dans la capitale comme dans le reste du pays. Le jour de mes 44 ans aussi, et d’une grève générale moins suivie, mais avec nombre de personnes dans la rue égal au précédent mouvement, grâce à la mobilisation étudiante.
Je suis parti du XVe arrondissement, là où j’ai la chance de suivre des études à l’École des arts de la Sorbonne durant mon temps libre, cette même université dont certains de mes «camarades» étudiants ont bloqué l’accès. Je me rendais Gare de Lyon, là où m’attendaient quelques courageux passagers et surtout mon TGV pour Lausanne.
«J’ouvrirais un petit théâtre dans lequel on donnerait durant la journée des cours mélangeant enfants et retraités.»
Oui, la réforme des retraites s’impose, en France comme ailleurs. Elle constitue, pour des questions de gros sous, un mouvement inexorable. D’aucuns prédisent même qu’il conduira, partout dans le monde, à des retraites à 70 ans. Le système dit «par répartition», qui contraint les générations actives à financer les «inactives», se heurte au vieillissement de la population et à une espérance de vie qui met à mal un système imaginé pour des gens ne vivant pas plus de dix ans après avoir cessé de travailler.
Mais si on prenait le problème à l’inverse, en se disant que ces étudiants, ces Français qui barraient les rues à mon taxi, avaient raison? Que 62 ans, ou même avant, ce n’est pas si mal pour toucher sa pension. Mon père est décédé l’année de sa retraite, pareil pour le père d’un ami d’enfance. Le premier avait travaillé dur dans les cuisines toute sa vie et espérait se reposer au moins dix ou quinze ans. Le second avait passé des décennies à investir pour une retraite confortable. Et pouf, plus rien!
Descendons donc encore l’échéance, à mi-chemin entre l’âge de la retraite en Ukraine et en Bolivie (58 ans) et celui de la France ou de la Lettonie (62 ans). À 60 printemps, on pourrait encore imaginer des reconversions en cultivateur de tulipes ou de safran, en restaurateur, guide de montagne ou même prof de yoga. Voyons tous ces livres qui s’écriraient en plus, toutes ces langues qui seraient apprises, ces voyages autour du monde enfin réalisés.
Un slogan universel
Le financement de tout cela? Aucune idée. Moi, en tout cas, j’ouvrirais un petit théâtre dans lequel on donnerait durant la journée des cours mélangeant enfants et retraités, et où l’on jouerait des pièces écrites à la main (et non par ChatGPT) le soir, en mangeant ma fameuse quiche poireaux-lardons accompagnée d’un verre de bordeaux de Villette (réchauffement climatique oblige).
Et puis, d’ici à peine seize ans donc, mes camarades d’uni, qui à 44 ans ne bosseraient plus que quatre jours par semaine pour le même salaire, feraient plein de bébés qui financeraient leur retraite. Ces enfants de l’an 2030 seront cajolés par des parents à la tête plus libre, et des grands-parents aux jambes moins lourdes. Et ce slogan sera devenu universel, en «Macronie» comme en terre neutre: «Travailler moins pour vivre plus».
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La rédaction – Et si on travaillait moins pour vivre plus?
Imaginons que la retraite des Français, fixée à 62 ans, devienne la norme. Nous pourrions même descendre cette limite à 60 ans, car tout peut s’arrêter si vite.