Nos bons plans théâtreEt hop, on troque le duvet contre le rideau!
Foin de dindes et de gros dodos, les théâtres reprennent du service. Petit florilège de productions à glaner sur les planches d’ici aux prochaines vacances.

Après une longue quinzaine dévolue exclusivement aux rebondissements du spectacle domestique, il est temps de reprendre le chemin des salles. Ça tombe bien, il se trouve que celles-ci, passé les repas de Fêtes et les grasses matinées au chalet, s’ébrouent déjà à qui mieux mieux. Avant même le coup d’envoi de notre festival à vocation dégivrante – Antigel démarre le 3 février –, on a dégoté une poignée d’occasions d’aller frayer à nouveau avec un public inconnu.
Jeux de société
Premier rendez-vous attendu, celui d’une partie de chasse en Sologne, cadre de «La règle du jeu». Si Robert Sandoz y relève le défi d’adapter le film culte de Jean Renoir, il y renoue indirectement avec les dramaturges qui avaient inspiré le cinéaste à la toute fin des années 1930, à savoir le quatuor Musset, Beaumarchais, Marivaux et Molière. Il n’en faut pas moins, en effet, pour épingler les mœurs d’une haute bourgeoisie d’autant plus cruelle qu’elle est captive de ses lois.
Pour faire rimer ledit jeu avec ceux de la guerre, de l’amour, de la vie en société et, bien sûr, du théâtre, quatre comédiens de talent fouleront du 24 janvier au 10 mars le plateau du Carouge: Lionel Frésard, Brigitte Rosset, Mariama Sylla et Diego Todeschini. À l’écran, ils étaient sept fois plus nombreux autour de Marcel Dalio et Nora Gregor: gageons qu’à coups d’astuces savamment réglées, la «fantaisie dramatique» revisitée par le metteur en scène neuchâtelois n’en sortira que plus divertissante encore.
L’amour sadomaso
À quelques encâblures de là, l’Alchimic aura déjà rodé la création de «Yacoobi et Leidental», deuxième incursion du Français Dylan Ferreux dans l’univers farcesque de l’Israélien Hanokh Levin (1943-1999). Après «Tout le monde veut vivre», créé sur la même scène en 2021, le comédien et metteur en scène s’engage un cran plus loin dans la satire incorrecte, entraînant sur les planches son complice Martin Jaspar, mais également Christophe Baltus ainsi que l’excellente Charlotte Filiou sous la bannière de la compagnie Collectif Berzerk.
Cerise sur le gâteau de mariage, la pianiste genevoise Valentine Mercier imprime des rythmes de ragtime à cette version cabaret de l’éternel triangle amoureux: deux célibataires endurcis voient leur amitié bousculée par le surgissement d’une seule et même Ruth, laquelle inspire à chacun d’eux des stratégies opposées pour atteindre le bonheur. Grâce au talent respectif des artistes impliqués, une fine poudre métaphysique devrait, du 19 janvier au 8 février, napper les chansons échevelées, les outrances masquées et l’humour vache des dialogues.
La magie du verbe
Avec Junior – mais aussi avec ses grands-parents –, on sera bien avisé de se rendre du côté d’Am Stram Gram du 3 au 12 février. La plus philosophe de nos metteuses en scène tout public, Muriel Imbach, y présente en collaboration avec la Comédie une réflexion poétique sur «Le nom des choses», et plus largement sur le langage, son histoire, ses pouvoirs. Pour communiquer l’ivresse de l’invention verbale, elle s’en remet aux très expressifs Pierre-Isaïe Duc, Cédric Leproust, Coline Bardin, Fred Ozier et Selvi Pürro.

Fouillant le rapport entre l’objet et sa dénomination – «pourquoi une table s’appelle une table et pas un schling?» –, la créatrice s’est entourée de spécialistes – un psycholinguiste, l’association Prophilo… –, mais surtout d’enfants et de leurs profs. Ensemble, ils ont tôt fait de constater que le langage agit sur la réalité, et qu’en (re)nommant celle-ci, eh bien, on la transforme. Une terminologie pour refaire le monde? Le programme à la fois ludique et ambitieux que la Lausannoise propose aux cerveaux malléables.
De père en fils
Juste avant les vacances scolaires de février, du 7 au 19 février, c’est du côté du Grütli qu’on aura tout intérêt à aller user ses fonds de culotte. On y verra en effet un comédien seul en scène, mais multiplié par sept au moyen d’un dispositif vidéo. On l’entendra délivrer à la fois un monologue et un texte polyphonique relatant les misères de sept de ses aïeux. Un homme unique pour les figurer tous, une voix masculine pour dézinguer le patriarcat: qui dit mieux?

Le très docte auteur, dramaturge et chercheur en philosophie de l’architecture Sébastien Grosset se trouve à l’origine de ce récit d’une malédiction transmise de père en fils depuis Abel et Caïn. Il trouve en Christian Geffroy Schlittler l’interprète qui tombe à pic pour donner à «La 7G» une épaisseur biblique en même temps qu’une oralité de téléphonie mobile du futur.
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