En Syrie, c'est désormais la guerre de tous contre tous
Les images de la Ghouta orientale frappent les esprits. Mais de Damas à Afrine, les affrontements tous azimuts s'intensifient

Derrière le regain de violences en Syrie se trouve une multitude de conflits. Sur chaque front, la configuration des acteurs change. Décryptage.
La Ghouta orientale
Les témoignages recueillis dans cette banlieue de Damas assiégée par le régime sont glaçants (lire ci-dessous). Les images d'enfants extraits des ruines se succèdent. Et Bachar el-Assad semble déterminé à ce qu'elles soient les dernières. «Vous ne trouverez pas de sauveteur. Et si vous en trouvez, vous serez secouru avec de l'eau chaude comme de l'huile bouillante. Vous serez secouru avec du sang», a déclaré Suheil al-Hassan. L'homme sait de quoi il parle. À la tête d'une unité d'élite – les Forces du Tigre – c'est lui qui avait coordonné l'offensive contre Alep fin 2016. En reprenant la Ghouta, il veut éliminer le dernier réduit aux portes de la capitale de ces rebelles dont certains sont accusés de collaborer avec Al-Qaida.
Afrine
Ce point chaud est aussi le plus récent. Sous contrôle kurde, la zone d'Afrine est le théâtre d'une offensive de la Turquie depuis un mois. Pour Recep Tayyip Erdogan, l'autonomie croissante des Kurdes syriens est un danger. Il les accuse d'être liés aux Kurdes turcs du PKK, le parti des travailleurs du Kurdistan qu'il considère comme un groupe terroriste. Jusqu'à présent, les Kurdes syriens pouvaient compter sur l'appui des États-Unis dans leur lutte contre le groupe État islamique. Désormais, Daech bat en retraite. Et à Afrine, les Kurdes doivent aujourd'hui s'en remettre aux milices envoyées par le gouvernement syrien pour ralentir l'offensive turque.
Idleb
C'est la principale zone encore sous contrôle de groupes islamistes soutenus par l'Arabie saoudite et la Turquie. Ils ont reçu le renfort de combattants arrivés après la chute d'Alep. La zone aurait été le théâtre de bombardements à l'arme chimique de la part du régime. Malgré un accord entre la Turquie, l'Iran et la Russie pour en faire une «zone de désescalade», la province d'Idleb est soumise aux frappes de l'aviation russe, alliée du régime syrien. À ces trois points chauds, il faut ajouter deux fronts de moindre intensité. À l'ouest, Israël – inquiet face à la présence grandissante de l'Iran en Syrie – intervient régulièrement dans le ciel syrien. Le 10 février, un chasseur israélien, envoyé en représailles à l'incursion d'un drone iranien, a été abattu. À l'est, la bataille contre le groupe État islamique se poursuit. Là aussi, les incidents ne sont pas rares. Le 7 février, des combattants kurdes ont été déstabilisés par l'avance de milices prorégime. L'aviation américaine a effectué une frappe pour les arrêter, tuant plusieurs centaines d'hommes dont des dizaines de mercenaires russes.
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«La Ghouta est pilonnée sans répit»
«Les enfants vivent dans la peur et l'horreur. Ils sont terrorisés par le bourdonnement des avions de surveillance», confie Oum Mamdouh, 53 ans, une habitante de la banlieue est de Damas jointe par téléphone. Pour la quatrième journée consécutive, les avions russes et syriens ont repris mercredi le bombardement méthodique de la banlieue est de Damas. «Les chasseurs ne cessent de décoller des aéroports. La Ghouta est pilonnée sans répit avec des barils d'explosifs. La situation est catastrophique. C'est un génocide contre les civils», affirme Siraj Mahmoud, porte-parole des volontaires de la défense civile, plus connus sous le nom de Casques blancs. Depuis dimanche, les 3000 raids aériens menés sur la Ghouta orientale ont fait plus de 300 morts, dont 72 enfants et 45 femmes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
Mercredi, l'organisation recensait près de 1400 blessés. Six hôpitaux ont été ciblés. Seuls deux fonctionnent encore partiellement. «On manque de spécialistes et de matériel médical. Les médecins présents se comptent sur les doigts d'une main», poursuit le secouriste. Les civils n'ont nulle part où aller. «Nous nous réfugions par dizaines dans les abris et les caves. La situation est dramatique et le monde entier nous regarde avec indifférence», dit Louay, 39 ans. Assiégés depuis 2013, les habitants redoutent désormais une offensive terrestre. «Les gens ont peur que le régime rentre dans la Ghouta», ajoute-t-il.
Mohammad, 36 ans, se refuse de céder au désespoir. «Nous nous sommes habitués à vivre dans ces conditions. Le moral des habitants est très élevé et ils sont prêts à affronter une attaque d'envergure. Le régime ne pourra pas rentrer dans la Ghouta», veut-il croire. Philippine de Clermont-Tonnerre, Beyrouth.
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