Les impayés mis au feuElena Montesinos invite les endettés à un bûcher virtuel
Puisque la pandémie prohibe les rassemblements, l’artiste genevoise convie les gens d’ici et d’ailleurs à brûler leurs factures à domicile.

Le brasier comme antidote au tourment financier. Tel est le principe du Bûcher des endettés, que l’ardente Elena Montesinos organise à la mi-décembre depuis quatre ans. En 2016, la plasticienne genevoise invite pour la première fois le public à se rassembler autour d’un feu immense sur la plaine de Plainpalais afin d’y jeter factures, amendes, commandement de payer et bordereaux divers. Parfaitement jubilatoire, cet événement artistique permet de se libérer symboliquement de l’emprise de la «cleptocratie», selon la terminologie de son organisatrice.
Or, cette année, la pandémie interdit de réunir du monde autour d’un colossal brasero de rue. Qu’à cela ne tienne, Elena a mitonné par le biais de sa Montesinos Foundation une version 2.0 de l’événement, qui se tiendra, comme d’habitude, le 15 décembre. «Mardi, les gens pourront réduire leurs factures en cendres sur leur balcon, dans leur jardin ou leur salon, explique-t-elle. Avec toutes les précautions d’usage, évidemment!» Chacun pourra ensuite poster des images et des vidéos de sa performance pyromane sur les réseaux sociaux, assorties du hashtag #bonfireofpoverty2020.
Révolte à domicile
Pour cette révolte à domicile, tout est permis. «On peut se déguiser, se mettre en scène, se voiler la face ou ne montrer que sa main, poursuit celle qui est aussi curatrice. On s’en fiche du détail des chiffres, mais il ne faut pas oublier la somme totale, c’est la clé de l’exutoire. Lorsque je regarde le montant annuel de mes primes d’assurance maladie ou de mon loyer, je tombe par terre.» Nul besoin non plus de griller les documents originaux: ceux qui se soucient de bienséance administrative sont tout à fait autorisés à enflammer des duplicatas. Les plus énervés commettront un geste encore plus émancipateur en précipitant dans l’âtre des actes véritables, lesquels ne sont finalement «que des bouts de papier».
«On s’en fiche du détail des chiffres, mais il ne faut pas oublier la somme totale, c’est la clé de l’exutoire.»
Pour cette mouture alternative du Bûcher des endettés, Elena Montesinos a trouvé son inspiration dans le «rendez-vous des casseroles» que les citoyens se sont donné quotidiennement à 21 h durant le confinement du printemps afin de soutenir le personnel soignant. «Ils ont prouvé leur capacité à se fédérer pour une sorte de flashmob à la maison. En plus, l’avantage d’investir le cyberespace est de rendre l’événement transfrontalier: on peut se déployer dans d’autres villes que Genève. Sollicitez donc vos potes à Berlin et Madrid!» Car l’objectif de la plasticienne est de rendre cet autodafé universel et de le voir définitivement inscrit au calendrier.
Alors que l’an 2020, dévastateur pour bien des porte-monnaie, touche à sa fin, on peut imaginer que la quantité de maudite paperasse à passer par la catharsis du feu se compte en tonnes. Alors que l’on se sent muselé depuis des mois, voilà une occasion de crier sa colère sur un mode ludique et facétieux.
Informations sur themontesinosfoundation.org
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