Le titre dans la langue de Shakespeare, forcément, irrite. Dévoyage linguistique caractérisé. Mais avouez que cela sonne mieux en anglais, la langue véhiculaire de Genève ou du moins de sa Rive droite, où sont très majoritairement basées les trente-sept organisations internationales, quelque 400 ONG et 30’000 fonctionnaires internationaux. On peut bien leur faire un petit clin d’œil de temps à autre. Surtout qu’eux, visiteurs compris, apprécient la cité du cardon sans les critiques d’usage chez le Genevois.
La semaine dernière, c’était au tour de Brad Smith, président de Microsoft, de démontrer sa «Geneva Mania». À ses yeux, Genève est clairement «le» lieu pour négocier un droit international du cyberespace. C’est ici, où flotte le bienveillant esprit de Genève, où se concentrent les acteurs spécialisés dans le droit de la guerre, les droits de l’homme et la législation des télécommunications, que les grands de ce monde, privés ou publics, disposent des conditions optimales pour mettre de l’ordre dans la jungle cybernétique. Comme tant d’autres «internationaux», le président du géant américain avait fait une escale estudiantine (IHEID) dans la Cité de Calvin au temps de sa jeunesse. Un lien pour la vie constituant l’une des microcellules du fameux écosystème genevois.
Aujourd’hui, tout projet doit être frappé du sceau de l’«écosystème» pour être considéré comme viable. L’écosystème est cet espace fluide et propre de fructueuses complémentarités entre activités et personnes tendant vers un objectif commun, en général très honorable. L’écosystème se caractérise par sa transversalité créative et une interconnectabilité grouillante, propres au système d’intelligence collective, tout sauf artificielle. Or, Genève, centre mondial des institutions internationales normatives, point de convergence de la haute finance, berceau des objectifs durables, cerveau névralgique de la recherche et de la science, constitue l’écosystème de rêve ou «the place to be» pour tous ces lanceurs d’idées en quête de crédibilité pour leur projet.
«Veillons à ce que l’écosystème genevois ne devienne pas un un simple outil marketing de plus.»
La semaine dernière pour la troisième grande conférence «building Bridges», le très engagé banquier privé Patrick Odier s’est largement appuyé sur l’écosystème genevois pour édifier son pont entre la finance et le développement durable. À ses côtés, le ministre sortant Ueli Maurer a dévoilé le projet d’une possible candidature suisse pour organiser à Genève (peut-être Bâle ou Zurich), la COP 31 en 2026. Bravo aux deux. Quand ce vendredi matin, l’ancien président et directeur de Nestlé, secondé par le conseiller fédéral Cassis, vanteront le concept du GESDA (Geneva Science and Diplomacy Anticipator), ils vont aussi user des atouts de l’écosystème genevois pour donner du poids à l’idée d’Anticipateur genevois Sciences et diplomatie.
Toutes ces paroles et initiatives, dévoreuses de sommes publiques et privées astronomiques, sont parfaitement louables, parfois très prometteuses. Elles n’auraient pu éclore nulle part ailleurs que dans l’écosystème genevois. Mais, même si ces projets illuminent l’image de notre cité à l’occasion de grands raouts, ce n’est pas suffisant. À l’heure du trop de blabla et d’une surenchère d’études définitives, ces projets doivent prouver leur utilité, mieux, leur nécessité. L’écosystème genevois est constitué d’un terreau de première qualité. Mais sa véritable valeur tient aux fruits produits sur un sol aussi fertile, soit aux accords, conventions et engagements qui permettent de battre en brèche la cybercriminalité, résoudre des tensions par la coopération scientifique, ou créer une finance véritablement durable purgée du greenwashing. On attend du concret. Veillons à ce que l’écosystème genevois ne devienne pas un simple outil marketing de plus.
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Chronique – Ecosytème genevois: the place to be!