Scolarité et confinementDurant le confinement, les inégalités scolaires sont allées croissantes
Tous à l’école. Mais loin d’être tous égaux. Le constat n’est pas nouveau. En revanche, l’écart s’est encore creusé durant la pandémie entre les élèves qui se sentent à l’aise avec leur scolarité et ceux qui ne le sont pas, ainsi que le rapporte Daniel Stoecklin, sociologue à l’Université de Genève.

Professeur au Centre interfacultaire en droits de l’enfant, Daniel Stoecklin mène actuellement une étude sur le vécu des jeunes romands de 11 à 17 ans durant la période de semi-confinement qui a suivi la propagation du Covid-19. La vie en famille a été interrogée, également la vie sociale, la santé, les loisirs, des activités nouvelles à celles auxquelles il a fallu renoncer. Pas de grandes surprises ici: l’environnement familial est resté stable dans la plupart des cas (77%), idem pour la santé (75%). Tandis que les contacts avec les amis ont été réduits (48%), tout comme l’accès aux loisirs (53%), deux domaines que la fermeture de nombreux établissements, l’injonction à rester chez soi et l’interdiction des rassemblements de plus de cinq personnes expliquent aisément. Enfin, l’étude s’est penchée sur l’école: si 45% des enfants interrogés n’ont pas ressenti un changement important dans leur scolarité, 20% d’entre eux disent avoir amélioré leur situation, tandis que 35%, au contraire, témoignent d’une dégradation.
Avec un nombre encore restreint de réponses à mi-chemin de la fin du sondage – 110 questionnaires récoltés sur Vaud, Genève, Neuchâtel, Fribourg et le Jura –, une tendance se dessine toutefois clairement: «L’écart dans la situation des élèves confirme la crainte d’une fracture croissante. Les grands perdants de l’enseignement à distance tel qu’il a été pratiqué durant deux mois, ce sont les milieux défavorisés.» Tous les élèves, en effet, n’ont pas accès à une bibliothèque, ni à un ordinateur disponible en tout temps qui ne soit pas l’outil de télétravail des parents…
Cette inégalité croissante entre les élèves est corroborée par une autre étude, portant sur 7000 répondants cette fois, adultes et enfants, d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse alémanique, dirigée par Stephan Gerhard Huber, de la Haute École pédagogique de Zoug. La fracture constatée est d’autant plus alarmante, indique Daniel Stoecklin, que les réponses qu’il a obtenues émanent en majorité de milieux favorisés. L’accès aux réseaux sociaux offre-t-il des avantages? «C’est la possibilité de demander de l’aide à un ami pour faire ses devoirs. Mais pour autant, les réseaux sociaux ne compensent pas l’inégalité dans l’accès à l’outil informatique.»
Les enfants des familles les plus pauvres ont moins de chances d’accéder à un bon niveau d’études. Ce handicap occupe la sociologie depuis longtemps, dans les travaux de Bourdieu notamment. Toutefois, Daniel Stoecklin indique une possible amélioration: «Pareille situation peut être nuancée par d’autres aspects, tels que le sentiment de bien-être, également la conscience d’avoir des droits, le fait de reconnaître une situation d’injustice.»
Les droits de l’enfant, les revoici. Vous semblent-ils trop abstraits? Voire inutiles? Daniel Stoecklin constate que ces droits font trop souvent partie des viennent-ensuite, y compris en Suisse. Le sociologue de prendre un exemple emblématique de la crise sanitaire. Avec les mesures de confinement, les personnes âgées ont vécu plus isolées que jamais. «Les grands-parents s’ennuient de leurs petits-enfants» déclarait en substance Daniel Koch, notre «Monsieur Coronavirus» fédéral. «Bien sûr que c’est important, réagit le sociologue. Mais on a oublié de demander aux petits-enfants quels étaient leurs besoins. De la même manière, on connaît la situation actuelle des entreprises et des salariés. Mais pas le vécu des écoliers. Ceci montre que l’enfant, en Suisse, n’est pas perçu comme ayant une parole à faire valoir. Au mieux, on le considère comme une charge, alors qu’il est lui aussi acteur.» Daniel Stoecklin l’affirme: «Cette période de Covid-19 est révélatrice du peu de place structurellement laissée à ce que font et pensent les enfants».
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