Prix d’architecture (8/10)Du mouvement pour favoriser les rencontres
Tout est circuit et détours dans cet ensemble doté de coursives intérieures originales. Le projet Beaux-Champs fait écho au Salève et défait les a priori du logement social.

Érigé sur le plateau de Vessy, à deux pas de l’un des plus grands établissements médico-sociaux genevois, l’ensemble Beaux-Champs est doucement sorti de terre entre 2005, année de sa conception, et 2012, celle de la mise à disposition des 108 appartements. On le doit à l’Atelier Bonnet Architectes, qui a minutieusement planché sur cet espace horizontal contrastant avec la puissance du Salève, pour créer un site tout à fait original où il fait bon vivre. Au-dehors, l’activité et les rires de nombreux enfants en témoignent.
L’espace à disposition, vierge, offrait un large champ d’exploration. Seules contraintes, une surface brute à bâtir de 12’100 m² pour des immeubles de quatre étages et pas plus de 14 mètres de haut, selon le souhait de la Commune de Veyrier. Pour le reste, «le concours d’architecture n’imposait aucune forme, ce qui nous donnait l’opportunité de questionner les modes de vie des futurs habitants, indique Pierre Bonnet. Nous avons pris l’option de placer les parkings à distance et pas directement sous les immeubles, afin de casser cette chaîne d’efficacité qui veut que l’on sorte de sa voiture pour s’engouffrer dans l’ascenseur puis dans son appartement sans croiser quelqu’un. Nous voulions avant tout créer du mouvement et des rencontres.»

Coursives lumineuses
Pari réussi, non seulement à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur du bâti. Les trois groupes de trois immeubles s’articulent en effet autour de généreuses coursives intérieures percées par des puits de lumière en forme d’ellipse. À chaque étage, de larges plateaux distribuent neuf appartements se déclinant du quatre au six-pièces. Et intérieures ne veut pas dire sombres. Grâce à de larges ouvertures sur le paysage environnant et sur le ciel, elles sont baignées d’une lumière naturelle qui joue avec l’espace en dessinant des ombres projetées.
Au rez inférieur, on accède par trois grands passages à la cour protégée où se déclinent petits ateliers, buanderie et garage à vélos. Voilà qui multiplie les façons de rejoindre son logement. Là encore, les architectes ont voulu créer du mouvement, qui se poursuit à l’extérieur. «Tout est circuit et carrefours. Cela permet à la fois de se croiser, mais aussi de s’éviter pour ceux qui le désirent», précise Pierre Bonnet.

Les strates du Salève
Autant de chemins et voies d’accès qui forment un terrain de jeu idéal pour les enfants. Deux aires de jeu ont aussi été aménagées, mais les espaces herbeux entre les îlots bâtis sont nombreux, laissant libre cours à la créativité. «L’ensemble Beaux-Champs est lui-même un grand jeu aux détours multiples, à la recherche de l’équilibre entre les pleins et les vides», image Pierre Bonnet.

Sur les façades, les couleurs, douces, et leur disposition en larges bandes horizontales interpellent. Pourquoi ce choix? «Mais il est là», nous répond simplement l’architecte, en se tournant vers le Salève. L’évidence saute alors aux yeux: les immeubles font un parfait écho aux strates de la montagne. Une preuve de plus que l’ensemble s’inscrit dans le paysage aussi bien proche que lointain.

La douceur et l’harmonie qui s’en dégagent pourraient laisser penser que les architectes ont bénéficié des meilleures conditions de réalisation. Ils ont certes tout dessiné de A à Z, «et c’est un délice de pouvoir aller si loin dans les aménagements», assure Pierre Bonnet. Mais il y avait un défi, et de taille, à relever. D’ordre financier. Car c’est bien du logement social qui a été construit sur ce terrain appartenant à l’Hospice général, le maître d’ouvrage étant la Fondation privée HLM Genève. Deux groupes d’immeubles abritent d’ailleurs des logements subventionnés, le troisième étant non subventionné mais offrant néanmoins des loyers bas.
Offrir de la générosité
Faire de la qualité, mais à bon marché: voilà l’équation que l’Atelier Bonnet a voulu résoudre. «Et où offrir de la générosité?» s’est interrogé l’architecte. Qui poursuit: «Je crois que nous y sommes parvenus, grâce aussi à une excellente collaboration avec le maître d’ouvrage et l’administration. Nous sommes même arrivés en dessous du budget.»

De fait, malgré cette contrainte économique, les appartements, sans être grands, sont suffisamment spacieux, avec des cuisines entièrement équipées. La générosité de la conception se retrouve aussi dans les divers aménagements. Telles ces portes palières en verre sérigraphié, semblables à des vitraux, qui agissent comme autant de lanternes la nuit pour l’extérieur, le jour pour l’intérieur de l’appartement. «J’ai le sentiment, conclut Pierre Bonnet, qu’avec ce projet, nous avons contribué à défaire des a priori concernant le logement social.»
Cette opération est réalisée en partenariat avec le Département du territoire.
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