Sorties livres, BDD’Ostende au Far West en passant par les Alpes, ça voyage
Le Belge Patrick Weber, le Britannique Quentin Blake ou le Texan Larry McMurtry promettent l’évasion. Et les horizons de monts en plat pays, ça vous gagne.
Enquête sur la plage des rois

BD Cap sur le Plat Pays avec «Ostende 1905», une fiction historique dans la lignée d’autres albums à succès signés par le scénariste Patrick Weber («Sourire 58», «Léopoldville 60», «Bruxelles 43», «Innovation 67»). Journaliste, historien de l’art, chroniqueur royal de RTL Belgium sept ans durant, le bouillant barbu bruxellois est associé ici avec Olivier Wozniak, un dessinateur au style ligne claire dont on a apprécié notamment autrefois la série «Alice et Léopold».

Et tiens, de Léopold, il est justement question dans ce récit aux personnages bien typés. En pleine belle époque, le souverain de la Belgique, Léopold II, arrive à Ostende, surnommée «la reine des plages et la plage des rois.» Un séjour à haut risque, perturbé par la présence de sa maîtresse, et par l’assassinat dans la suite d’un hôtel chic de l’émissaire du Shah de Perse. Enquête et reconstitution historique soignée. Une réussite. PMU

«Ostende 1905»
Patrick Weber et Olivier Wozniak
Ed. Anspach, 64 p.
«Blanc» Une expédition de Sylvain Tesson dans les Alpes

Journal de bord Sylvain Tesson, 50 ans, a arpenté la Sibérie, l’Himalaya ou les steppes de la panthère des neiges. Le fauve lui valut un Prix Renaudot et la célébrité, bagages sans doute «un poil» encombrants pour ce nomade. Comme une reconquête de «liberté, temps, beauté, oubli», après «Noir», essai suicidaire drôlatique, le voyageur publie «Blanc», contrepoint alpestre sur quatre traversées à ski de 2018 à 2021.

De Menton à Trieste, avec son compagnon Daniel du Lac, le Parisien vérifie le mot de Paul Morand, «Ailleurs est un mot plus beau que demain». Au style limpide se conjugue l’ivresse de l’Ovomaltine chauffée par les Gudules de refuge, les métaphores mystiques coupent la trace des marcheurs. Une autodérision sincère sauve sans cesse le diariste de la complaisance des «âmes supérieures». CLE
«Blanc»
Sylvain Tesson
Ed. Gallimard, 235 p.
«Le livre de Quentin Blake» Une fantasia d’humour noir et de tendresse

Biographie Quentin Blake, bientôt 90 ans, se livre du bout du crayon en dessins et confidences. Alors que ce fabuleux illustrateur publie «Les pieds dans l’eau» et quelques derniers travaux, une biographie le campe avec brio. Des années de «désapprentissage» où le Londonien s’initie à la morphologie pour mieux la déconstruire, à la relecture des classiques, de Don Quichotte à Godot, le «cartooniste» sème avec obstination son grain de fantaisie «azymutée».

Le satirique Punch le rend indépendant dès 16 ans déjà. Adopté par les auteurs pour enfants, le fantasque Roald Dahl en tête, l’impertinent reste libre, «tout en grâce et vitalité» comme s’extasie Catherine Meurisse. Ainsi de son travail sur les murs des asiles psychiatriques. Pratiquer la plongée sous-marine avec des habits de tous les jours, pour lui, rien d’étonnant. CLE
«Le livre de Quentin Blake»
Jenny Uglow
Éd. Gallimard, 256 p.
«Lonesome Dove» L’Ouest, le vrai selon McMurtry

Coffret L’écrivain Larry McMurtry détestait la glorification facile. «Lonesome Dove» rectifie le tir. Pour l’anecdote, en 2005, alors que l’Américain allait recevoir l’Oscar du meilleur scénario pour «Le secret de Brokeback Mountain», le récipiendaire portait jeans et santiags sous son smoking. Ce détail image une carrière tiraillée entre Hollywood et l’Ouest, à cheval sur les mirages en cinémascope.
D’une enfance passée dans une ferme isolée, l’auteur gardera des codes autrement plus réalistes, une vision de l’existence qu’il cravache dans «Lonesome Dove», sa grande œuvre.Histoire de meubler leurs désillusions, deux rangers, Gus et Woodrow Call, volent du bétail au Mexique vers 1840, avec l’idée de le convoyer jusqu’au Montana pour y fonder un ranch.

Publiée en 1986, la saga de plus de 1500 pages est inspirée de «La dernière séance» («The Last Picture Show»), projet resté en rade après des circonvolutions multiples impliquant John Wayne et John Ford dans les années 1970. Les légendes trouvaient un air faisandé à ce faux western élégiaque, Robert Duvall et Tommy Lee Jones en extraient deux décennies plus tard un trésor de série.
«Pour vivre heureux, il faut apprendre du quotidien, une gorgée de whisky le soir, un bon matelas, un verre de lait, ou un gentleman fougueux comme moi.»
En précurseur de la démythification du cow-boy, adoubé par Cormac McCarthy et Jim Harrison, le romancier Larry McMurtry y dégomme les clichés «en héritier responsable, dit-il, et donc critique». Dans le texte, le folklore de la dernière frontière se traduit par des séquences d’un réalisme frontal, où surgit parfois une bulle philosophique inattendue. «Pour vivre heureux, énonce Gus, il faut apprendre du quotidien, une gorgée de whisky le soir, un bon matelas, un verre de lait, ou un gentleman fougueux comme moi.»
Avant d’arriver à cette sérénité, il faudra à ces potes essuyer brimades et autres «ordres de crétins», écouter des femmes exceptionnelles, échapper aux Comanches, aux ours rusés. Et même «avaler de la pisse de cheval, au goût de nectar de pêche…» De quoi s’étourdir dans l’Amérique de la fin du XIXe siècle en cinq volumes, agrémentés pourtant d’une carte géographique. C.LE DR
«Lonesome Dove», le coffret
Larry McMurtry
Éd. Gallmeister/Totem

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