Destins croisés en un romanDeux infirmières réunies dans le même battement d’elles
Le quatrième livre de la Belge Alia Cardyn, «Mademoiselle Papillon», unit les destins d’une héroïne de l’entre-deux-guerres, Thérèse Papillon et de la très contemporaine Gabrielle qui consacrent leurs vies à sauver celles des enfants. Superbe hommage.
L’écrivain belge Alia Cardyn n’a pas attendu les applaudissements aux balcons du printemps passé pour célébrer les infirmières. Si «Mademoiselle Papillon» vient de sortir, il a été écrit en 2018, soit bien avant la pandémie. C’est au travers de ce roman bouleversant qu’elle a décidé de rapprocher Gabrielle, 30 ans, infirmière en néonatologie et l’incroyable Thérèse Papillon, qui a sauvé des milliers d’enfants entre la fin de la Première Guerre mondiale et son décès en 1983.

Chacune à leur époque, elles ont mis leur vie personnelle en suspens pour sauver celles des enfants. Thérèse en créant un préventorium entre-deux-guerres pour sauver de la tuberculose les enfants souffrant de malnutrition. Gabrielle en révolutionnant à sa manière la prise en charge des prématurés de l’hôpital où elle passe sa vie au son des bips des machines.

Avec leurs doutes, leurs peurs et surtout avec des moyens limités — la première à cause d’une extrême pauvreté au sortir de la Guerre 14-18, la seconde à cause des exigences de la hiérarchie —, elles ont mené à bien leurs missions respectives.
Basé sur l’histoire vraie de Thérèse Papillon, le quatrième roman d’Alia Cardyn émeut grâce à une écriture simple et vraie, très personnelle, qui va et vient entre les carnets de Thérèse Papillon et la très contemporaine existence de Gabrielle. Il en ressort un vibrant hommage à toutes les infirmières, quels que soient leur époque, leur spécialisation, leur origine ou leur âge.

Le don de soi, les heures alignées sans compter. L’époque que nous traversons fait résonner vos écrits très fort…
Je trouve aussi. La philosophie de Thérèse Papillon – pour laquelle j’ai eu un véritable coup de foudre en entendant son histoire alors que je visitais l’abbaye de Valloires – est incroyablement contemporaine. J’ai énormément de retours d’infirmières sur les réseaux sociaux. Alors que la plupart d’entre elles frisent le burn-out, découvrir le projet lumineux de Mademoiselle Papillon dans la noirceur totale de l’humanité, leur amène de la joie. Elle aussi a fait avec ce qu’elle avait, avec les moyens du bord.
C’est presque une sainte!
On peut le dire, oui, et c’est évident que sa foi l’a énormément portée. Mais pas seulement. Elle avait confiance en sa mission. Elle est partie de rien et a réussi à investir l’abbaye de Valloires pour y construire un lieu d’accueil pour des enfants souffrant de malnutrition. Elle les a nourris, logés, éduqués et surtout préservés de la tuberculose. Elle a ensuite aussi caché des petits juifs durant la Seconde Guerre mondiale, alors même que les Allemands avaient réquisitionné des bâtiments de l’autre côté de la cour! En recueillant des témoignages sur elle, je n’ai entendu que des récits dithyrambiques. J’ai donc décidé d’ajouter quelques doutes et questionnements pour donner de la chair au personnage. Pour la rendre plus réelle, plus attachante. C’est pour cela que j’ai imaginé ses carnets, pour rentrer dans l’intimité d’une femme presque énervante de perfection.
«C’est ma petite révolution à moi. Informer les mères et futures mères, les encourager à se documenter, à poser des questions au corps médical.»
Et de l’autre côté il y a Gabrielle, qui a l’impression de tout rater.
Elle illustre le sentiment d’impuissance, mais aussi de résilience. Elle ne vit que pour maintenir en vie «ses» prématurés de la salle 79, pour conseiller et soutenir leurs parents. L’univers de la néonatologie est fascinant et le travail et la responsabilité de ces infirmières et de ces médecins affolants. J’ai tellement pleuré en les écoutant. Mais je suis paresseuse, je dois être bouleversée pour me mettre à écrire.
Ce roman a donc deux missions: rendre hommage à Thérèse Papillon et faire découvrir la méthode «Nidcap» qui consiste en une approche alternative de prise en charge des prématurés.
C’est cela! Pouvoir profiter d’un livre grand public pour non seulement lui faire rencontrer Thérèse Papillon, mais en plus faire parler de cette méthode incroyable. C’est ma petite révolution à moi. Informer les mères et futures mères, les encourager à se documenter, à poser des questions au corps médical. La méthode est basée sur l’observation de ces tout petits êtres, sur l’importance de leur environnement. Elle invite à parler bas, à tamiser les lumières et insiste sur l’importance du peau à peau avec les parents aussi souvent que possible. On a tendance à oublier tout ça au profit de la technicité qui est encore souvent reine. Le premier soignant du bébé, c’est le parent.
Vous évoquez votre public. Vous êtes très en contact avec vos lecteurs, non?
Oui. C’est d’ailleurs pour satisfaire à leurs attentes que j’ajoute une histoire d’amour dans mes romans. C’est la partie que je peine le plus à écrire, j’ai l’impression de ne jamais être originale!
Avant même les compléments que vous postez sur les réseaux, vous avez ajouté une playlist à la fin de votre roman ainsi que des explications sur votre découverte de Thérèse Papillon. Pourquoi?
Pour la playlist, je ne me suis même pas posé la question. J’ai fait ça tout naturellement, comme un hommage à ces artistes qui ont accompagné mon écriture pour me préserver du bruit de mes trois enfants. Pour le reste, je voulais remercier ces témoins qui ont eu la chance de connaître Thérèse et la gentillesse de prendre le temps de m’en parler. Je voulais aussi donner la possibilité à ceux qui le souhaitent d’approfondir leur connaissance de cette femme extraordinaire et de tout ce qu’elle a fait pour l’humanité.

«Mademoiselle Papillon»
Alia Cardyn
Ed. Robert Laffont, 272 p.
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