Du théâtre devant chez VoltaireDeux farces de Molière animent le parc des Délices
Didier Carrier et ses comédiennes et comédiens proposent un charmant spectacle d’été jusqu’au 14 août.

Nous voici devant la maison de Voltaire aux Délices. Lui qui prisait tant le théâtre, ce qui fut sa demeure genevoise de 1755 à 1760 présente aux spectateurs un visage fermé, réprobateur. Tous les volets sont clos; les comédiens de la Compagnie du Solitaire entrent et sortent de simulacres de façades en bois dressés devant les Délices verrouillés comme une banque. À cette déception près, l’effet est charmant. On se croirait très loin d’une ville, quelque part au fin fond d’une province où une troupe de passage aurait posé ses tréteaux.
Quelques bancs et fauteuils de jardin font face à la gentilhommière endormie. Jusqu’au 14 août, Didier Carrier et deux actrices – Diana Meierhans et Marie Ruchet – donnent la réplique à Julien Tsongas et Thomas Laubacher. Les rôles non attribués à des acteurs échoient à des marionnettes à taille humaine fabriquées par Pierre Monnerat. Les deux courtes comédies de Molière au programme sont «Sganarelle ou le Cocu imaginaire» (1660) et «L’École des maris» (1661). La mise en scène est signée Didier Carrier qui, comme Molière autrefois, joue Sganarelle dans les deux farces. Côté masques et costumes, Katrine Zingg et Giulia Muniz ont composé avec la commedia dell’arte revisitée à leur manière.
La canicule au théâtre
La langue du grand Poquelin bondit d’un bout à l’autre de la scène improvisée, au risque de se perdre par moments dans la tiédeur du soir. Il faut songer à garder l’oreille bien dressée. À ce prix, l’impact de telle ou telle tirade qui faisait mouche devant Louis XIV et sa cour est garanti trois siècles et demi plus tard. Un régal. L’orgueil masculin y est plaisamment brocardé et l’aptitude des femmes à s’en jouer brille tout à leur avantage. On rit. C’est bien vu et bien tapé, servi par le jeu pétulant des cinq bons comédiens, tous familiers des scènes genevoises.
Il paraît que le mot «canicule» est prononcé pour la première fois au théâtre dans «Sganarelle ou le Cocu imaginaire». Dans la chaleur intense de ce mois d’août genevois, ce détail est amusant à relever: «Je me couchais sans feu dans le fort de l’hiver; sécher même les draps me semblait ridicule, et je tremble maintenant dans la canicule.» Ces vers sont dits par une fille qui évoque les effets sur elle des feux de l’amour en hiver, et ceux de leur absence en été. Cette période du 22 juillet au 23 août est appelée «canicule» par allusion à la constellation du Grand Chien (Canus Major), dont l’étoile principale – Sirius – se lève à cette période en même temps que le soleil. Molière le savait!
«Farces» de Molière au Musée Voltaire, 25, rue des Délices, jusqu’au 14 août. Réservation au 076 530 34 62 ou resa.moliere@gmail.com
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