
Cossonay (VD), 14 janvier
Si la tenue presque secrète du spectacle de Dieudonné à l’Uptown le 7 janvier a provoqué une grande surprise, les propos de M. Luc Barthassat, qui a assisté à la représentation, ont également de quoi interloquer. En effet, l’ancien conseiller d’État genevois a déclaré publiquement avoir «souri» et «bien rigolé» car «il y avait des sujets qui étaient assez sympas» durant la représentation de celui qu’on considère comme un humoriste.
Mais voilà, Dieudonné Mbala Mbala n’est pas un performeur comme les autres. Ses prestations scéniques n’ont pas pour unique objectif de divertir mais constituent des plaidoyers politiques. Des plaidoyers haineux qui servent, dans un nombre important de cas, à jeter l’opprobre et le discrédit sur la communauté juive et d’autres minorités, notamment sexuelles ou de genre.
Ses liens revendiqués avec les grandes figures de l’extrême droite francophone, comme Alain Soral, ne laissent place à aucun doute sur les intentions propagandistes du polémiste français. Ses innombrables condamnations, pour incitation à la haine raciale entre autres, non plus.
Dès lors, les propos tenus par M. Barthassat sont éminemment regrettables. En tant que figure politique genevoise, romande dans une certaine mesure, et ancien magistrat, il doit s’attendre à ce que sa parole soit davantage relayée ou écoutée. Les déclarations d’un (ex-)ministre revêtent un caractère sérieux pour une partie de la population. User, même maladroitement ou involontairement, de sa posture d’autorité pour banaliser publiquement un propagateur de haine est difficilement acceptable.
Il en va de même pour les justifications du politicien genevois, qui tente sur les réseaux sociaux d’expliquer qu’il voulait «se rendre compte (…) de ce que cet artiste était capable» et ressentir (…) l’ambiance d’un spectacle». Il précise au passage qu’il existe «suffisamment de lois (…) pour attaquer ceux qui dépasseraient certaines limites» et invoque même le droit à la liberté d’expression.
Sur ce dernier point, il y a effectivement matière à en débattre. La liberté d’expression, pour autant qu’elle n’enfreigne pas le cadre légal, est un droit inaliénable. Seulement, Dieudonné a franchi et continue de franchir, de plein gré, cette ligne rouge.
L’homme politique et l’artiste, que l’on peut parfois dissocier, forment dans le cas de Dieudonné un bloc monolithique. Ses shows sont ainsi plus des meetings politiques que des moments de franche rigolade. En les qualifiant donc de «sympas», on contribue à rendre son idéologie sous-jacente acceptable.
À l’heure où des motions visant à interdire la propagation de symboles nazis fleurissent dans les parlements genevois et vaudois, banaliser les propos d’un homme qui a fait de la propagation de l’idéologie raciste son fonds de commerce est hautement déplorable.
Yannick Maury, député au Grand Conseil vaudois
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Lettre du jour – Des propos très regrettables