Alors qu’on craignait une montée du chômage après la crise provoquée par la pandémie de Covid-19, la Suisse doit faire face à une difficulté inattendue: une pénurie de main-d’œuvre. En conséquence, si la crise économique semble enfin s’éloigner de notre pays, cette pénurie risque d’affaiblir la reprise en créant des tensions nouvelles sur le marché de l’emploi.
Plusieurs professions, vitales pour la bonne marche du pays, sont déjà durement touchées. Ainsi, on ne compte plus les suppressions de trains régionaux faute de personnel, particulièrement dans le bassin lémanique. Les métiers liés à l’informatique manquent aussi de personnel, comme la pénurie signalée par l’armée. Les chauffeurs routiers manquent aussi en Suisse et certaines livraisons sont systématiquement retardées, ce qui a pour conséquence de perturber les chaînes d’approvisionnement. À ce stade, le risque d’une crise d’approvisionnement telle que celle que rencontre le Royaume-Uni – où l’armée britannique est réquisitionnée pour pallier les manques de routiers – est certes peu probable.
En effet, la Suisse continue de bénéficier de la libre circulation des personnes avec l’Union européenne et d’un droit du travail adéquat aux spécificités suisses, deux atouts majeurs pour notre économie. Toutefois, la situation demeure tendue et pourrait empirer à l’avenir. C’est la raison pour laquelle le monde politique doit maintenant se saisir du problème et agir. Sans cela, la situation risque d’être critique ces prochaines années.
Une des pistes pour sortir de l’impasse actuelle consisterait à améliorer, très concrètement, le bien-être de la main-d’œuvre et de mieux tenir compte de la pénibilité du travail dans certaines professions. D’ailleurs, c’est dans cet esprit que l’initiative «Pour des soins infirmiers forts» a été lancée. En revalorisant le travail des infirmières et infirmiers, cette initiative permettrait d’éviter les nombreux départs prématurés que connaît depuis longtemps cette profession. Elle permettrait aussi d’attirer de nouvelles recrues vers une filière cruciale pour la sécurité sanitaire du pays, particulièrement dans les circonstances actuelles. C’est la raison pour laquelle je soutiens cette initiative sur laquelle nous nous prononcerons le 28 novembre prochain.
Une autre piste repose sur la formation. Nous devons revaloriser de nombreuses filières en améliorant leurs conditions-cadres. Cela passe par davantage d’investissements dans les apprentissages dont les places peinent parfois à être pourvues. Le Canton de Vaud a testé avec succès le modèle des «junior teams» bousculant le modèle de formation jeune-employé et permettant à un petit groupe de jeunes d’apprendre ensemble sous la responsabilité d’un formateur engagé à 100%. C’est un exemple à suivre. Il convient aussi de mieux valoriser les diplômes issus des Hautes Écoles spécialisées (HES), universités fréquentées principalement par des apprentis qualifiés. Or, ces diplômes ne sont pas reconnus à leur juste valeur à l’étranger. Une solution pourrait consister à créer des bachelors et masters professionnels, mieux reconnus à l’étranger.
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L’invité de la rédaction – Des pénuries en vue, comme au Royaume-Uni?