Nouvelles technologies à l’écoleDes parents dénoncent les devoirs en ligne
Le collectif Rune s’étonne que le numérique se développe déjà au primaire, par le biais de tableaux interactifs et d’exercices connectés.

Le collectif de parents d’élèves RUNE s’est félicité lundi que la commission des pétitions du Grand Conseil ait accepté de renvoyer la leur au Conseil d’État. Le texte demandait un moratoire sur la formation par le numérique au primaire et a été accepté par 14 oui (1 EàG, 3 S, 2 Ve, 1 PDC, 4 PLR, 1 UDC, 2 MCG) et 1 non (PDC). Trois socialistes ont donc tiré le frein à main à l’encontre de leur propre magistrate en charge de l’instruction publique, Anne Emery-Torracinta.
Selon Anne-Marie Cruz, membre de ce collectif non représentatif, le numérique s’installerait déjà de façon sournoise dans les classes, «sans aucune information préalable». Dans tout nouveau bâtiment, les classes doivent être équipées d’un tableau blanc interactif, il s’agit d’une obligation. «Il nous semble que cet outil est déployé sans aucune justification», critique-t-elle. Et, ajoute une autre membre, Aurore Kiss, par le biais d’un «règlement édicté par le seul Conseil d’État, c’est-à-dire sans débat au parlement». Or, selon un article paru dans la Revue durable, le tableau blanc interactif (TBI) est «déconseillé: «Le numérique doit apporter un apprentissage plus collaboratif en partageant notamment leur écran avec la classe. Or, le TBI donne encore plus de pouvoir à l’enseignant», estime Christophe Cattin, président de la Commission numérique de la Conférence intercantonale de l’instruction publique.» Ce support serait installé «au bon vouloir des communes dans les anciennes écoles, selon leur budget, remarque Aurore Kiss. Alors que fait-on de l’égalité de traitement?»
Autre motif d’inquiétude: l’apparition, hors confinement, de devoirs en ligne. «Depuis cette rentrée, ma fille, en 4P, a commencé à avoir des devoirs en ligne, témoigne Laetitia Métivier, maman carougeoise. Dans quel but? Je ne sais pas. Je vois juste que l’inquiétude de la bonne orthographe disparaît avec le correcteur orthographique. Et qu’on a dû intégrer un nouvel écran à la maison: l’ordinateur, qui n’était pas réclamé jusque-là. Maintenant mon fils de 5 ans veut regarder sa sœur pendant qu’elle est en train de faire ses devoirs, ce qui n’arrivait jamais quand c’était des devoirs sur papier.»
La réalisation des devoirs sur ordinateur est en fait «contraire à la ligne fixée par le Département de l’instruction publique (DIP) pour l’école obligatoire en général – et à plus forte raison pour le cycle élémentaire», réagit Pierre-Antoine Preti, porte-parole du DIP. Il s’agirait d’exceptions, fussent-elles nombreuses: «La crise sanitaire et la fermeture des écoles ont pu bousculer exceptionnellement certaines pratiques, mais le recours à l’enseignement à distance comme pratique généralisée n’a plus cours à ce jour», assure-t-il.
Quant à l’éducation par le numérique de manière plus générale, pour le cycle élémentaire, elle «consistera en une introduction infinitésimale de technologie en 3P-4P (10 h de cours en tout) puis en un recours graduel à des outils plus développés, en conformité avec les capacités cognitives des élèves», précise Pierre-Antoine Preti.
Précision: Dans cet article de la «Tribune de Genève» du mardi 19 octobre dernier intitulé « Des parents dénoncent des devoirs en ligne » on me fait l’honneur d’une citation malheureusement bien éloignée de son contexte et de mes intentions. Cette citation prête à croire que je suis opposé à l’utilisation des tableaux blancs interactifs (TBI). Le TBI constitue un outil numérique comme un autre dans un contexte pédagogique. Bien utilisé, il apporte une plus-value notoire à l’enseignement de plusieurs disciplines. Mais il demande – comme tous les outils numériques – un savoir-faire et une méthodologie bien spécifique de la part du corps enseignant. Il est dès lors important que les professionnel.e.s de l’enseignement puissent être formé.e.s à l’utilisation des nouvelles technologies.
En tant que Président de la Commission pour l’éducation numérique de la Conférence intercantonale de l’instruction publique (CONUM), je considère comme urgent et important que l’école se donne les moyens d’enseigner le numérique. Elle doit faire connaître, faire comprendre et donner aux élèves les clés pour agir dans un monde connecté sans le subir. Cela passe par l’utilisation et la maîtrise des nouveaux outils. Cela demande également un effort important en matière de formation des enseignant.e.s. Mais en aucun cas l’école ne pourra remplir sa mission en ignorant les technologies et les modes de communication qui se multiplient dans la société qui l’entoure.
Christophe Cattin, président de la Commission romande pour l’éducation numérique
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