SolutionDes miniorganes pour se passer d’expériences sur les animaux
Les organoïdes, des reproductions d’organes humains microscopiques, permettent de tester des médicaments.

«La première fois, c’était incroyable. On a eu l’impression de recréer la vie», raconte Grégory Segala. Depuis 2019, d’abord comme chercheur à l’Université de Genève, puis comme fondateur de la start-up FluoSphera, incubée dans l’alma mater genevoise, le biologiste développe des organoïdes.
Orgaquoi? Les organoïdes sont des reproductions simplifiées et microscopiques (quelques dixièmes de millimètres) d’organes humains. Sur l’écran de son ordinateur, Grégory Segala nous montre une vidéo. Une tache grise, difficilement reconnaissable pour le profane. Mais voilà qu’elle se met à battre! Là, c’est sûr, c’est un cœur miniature. D’autres organoïdes fonctionnent comme les reins, le foie, le cerveau, etc.
L’un des objectifs de cette méthode est de réduire les expériences sur les animaux. On dispose de «sujets» permettant, par exemple, de tester la toxicité de médicaments. Avec une «pertinence humaine», note le biologiste, car l’origine des cellules qui les composent est humaine.
Programmation de cellules
Comment créer ces miniorganes? D’abord, des cellules dites «somatiques» sont prélevées sur le corps d’un individu adulte qui a donné son consentement. «Les cellules somatiques sont engagées dans une fonction et vont rester dans cet état-là», explique Grégory Segala. Grâce à un mélange de protéines, on peut les reprogrammer pour qu’elles deviennent des cellules souches.
Celles-ci sont au «carrefour des possibles», indique le biologiste. Grâce à d’autres cocktails de substances, elles pourront être transformées en cellules spécialisées: neuronales, vasculaires, immunitaires, etc. Une méthode qui, à ce stade, a déjà des potentiels thérapeutiques. Ces cellules peuvent être injectées chez les patients dans des tissus endommagés pour les réparer. Mais on peut aussi en agglomérer pour créer un organoïde.
Organisme miniature
Pourquoi s’arrêter là? Un organoïde, c’est bien, plusieurs, c’est mieux! En les additionnant, on peut simuler un organisme humain. La start-up FluoSphera cherche à développer ces combinaisons. Elles permettront d’observer les interactions entre «organes» microscopiques lorsqu’on les soumet, par exemple, à des substances médicamenteuses.
«Si on veut savoir si une voiture marche, il faut que tous les éléments – les roues, le volant, le moteur – soient assemblés.»
«Nous créons différents types d’organoïdes – rein, foie, estomac, cerveau, détaille Grégory Segala. Ils peuvent ensuite communiquer ensemble, comme dans un vrai système. Nous pouvons ainsi observer les effets systémiques, ceux retrouvés dans notre corps. Par analogie, pour savoir si une voiture marche, il faut que tous les éléments – les roues, le volant, le moteur – soient assemblés.»
Il prend un exemple: le Tamoxifène, une substance contre le cancer du sein. «À l’origine, il est inactif. Une fois ingéré par les patientes, il est activé par le foie. Si on le teste uniquement sur des cellules cancéreuses in vitro, on pensera qu’il est totalement inefficace.» Alors, on le fait passer par des organoïdes de foie, qui activeront la substance.
Pas de grand remplacement
«Les méthodes in vitro doivent démontrer leur supériorité par rapport à l’expérimentation animale.»
Pour l’heure, ce petit monde biologique de synthèse n’a pas remplacé les expérimentations sur des animaux, qui restent une nécessité légale pour procéder aux tests cliniques sur les êtres humains. «Les méthodes in vitro doivent démontrer leur supériorité par rapport à l’expérimentation animale», indique Grégory Segala.
Le débat scientifique à ce sujet est encore en cours. Le recours aux cobayes animaux reste de mise. Mais le chercheur est confiant. Selon lui, les organoïdes ont, dans certains cas, une prédictibilité similaire aux essais cliniques sur des petits groupes d’êtres humains.
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