Environnement à GenèveDes microforêts denses vont pousser en ville
Deux projets pilotes utilisant la méthode Miyawaki, inédite en Suisse, seront lancés cet automne. Explications.

Quelques centaines de mètres carrés, voire moins. C’est la taille des microforêts urbaines qui vont pousser dès cet automne en ville de Genève, selon une méthode inédite en Suisse. Développée dans les années 70 par le botaniste japonais Akira Miyawaki, celle-ci consiste à imiter les caractéristiques d’une forêt primaire – c’est-à-dire où l’homme n’est jamais intervenu – en plantant de manière très serrée des arbres de nombreuses essences indigènes. Cette méthode déjà répandue en Asie, et qui séduit de plus en plus de villes en Europe, permet d’obtenir des forêts riches en biodiversité et plus résilientes face aux maladies, aux ravageurs et au réchauffement climatique. Et cela, dans un temps relativement court.
Deux projets pilotes, d’environ 400 m² au total, vont être lancés cet automne, l’un dans la zone industrielle des Charmilles (ZIC) et l’autre sur la butte où se trouve le Pavillon de la danse, le long de la rue Ferdinand-Hodler. La Ville de Genève va réaliser ces toutes premières forêts Miyawaki de Suisse avec l’aide de Joëlle Martinoya, fondatrice de l’entreprise genevoise Forêt B récemment formée à cette méthode. En cas de succès, d’autres micro-forêts urbaines suivront à Genève. La Ville est déjà en train d’identifier les lieux qui s’y prêtent. Pas besoin de beaucoup d’espace, on peut commencer à partir de 100 m², soit l’équivalent d’une dizaine de places de parking.
«La méthode Miyawaki se veut accessible à tous, souligne Joëlle Martinoya. Son but n’est pas juste de planter des arbres, car un végétal a besoin de tout un écosystème pour bien se développer, des insectes, champignons, etc.» L’avantage, c’est aussi que cela peut s’appliquer à tous types de terrains, même dégradés, comme des friches industrielles ou des sols dégoudronnés. Dans un premier temps, il s’agit de préparer ceux-ci pour s’assurer qu’ils sont suffisamment meubles et riches en nutriments. En l’occurrence, dans une logique d’économie circulaire, on utilisera les résidus de céréales de la Brasserie du Mât, présente sur la ZIC, afin d’enrichir la terre. Mais d’autres matières organiques facilement disponibles, comme les copeaux de bois ou le compost, feraient aussi très bien l’affaire.
Les vertus de la densité
Ensuite, près de 1200 arbres âgés d’un ou deux ans, et mesurant entre 40 et 50 centimètres de haut, seront plantés dans ce substrat, avec une forte densité de trois plants au mètre carré. C’est là l’un des «secrets» de la méthode. Car ces petits arbres recevront tous assez de lumière les premières années, mais par la suite ils entreront en concurrence les uns avec les autres, ce qui accélérera leur rythme de croissance à près d’un mètre par an. Soit dix fois plus rapide que lorsque les arbres sont plus espacés. De quoi obtenir en une dizaine ou une quinzaine d’années un résultat qui ressemble déjà à une forêt.
Mais cette densité permet aussi aux arbres de grandir en symbiose les uns avec les autres. «En plus d’offrir un
habitat privilégié pour la faune, cela diminue le risque de stress hydrique, car la densité racinaire augmente la captation d’eau de pluie par le sol, qui est cinq à six fois supérieure à celle d’un terrain engazonné, précise Joëlle Martinoya. Par ailleurs, l’épaisseur du feuillage crée un microclimat frais et humide qui limite l’évaporation de l’eau. Et contrairement à des plantations isolées, plus les arbres sont proches, plus ils peuvent coopérer en échangeant entre eux des informations, des nutriments ou même de l’eau.» À terme, plus des deux tiers de ces arbres atteindront à l’âge adulte une taille allant d’une douzaine à une quarantaine de mètres. Les autres resteront de dimensions plus modestes.
Grande variété d’arbres
Deuxième principe essentiel de la méthode Miyawaki: choisir une grande variété d’essences indigènes. Dans le cas présent, on plantera, entre autres, des chênes sessiles, des hêtres, des tilleuls, des érables champêtres, des poiriers, pommiers, pruniers et cerisiers sauvages, ainsi que diverses espèces d’arbustes menacées en Suisse. Rien que des feuillus, pas de résineux, qui ne poussent pas naturellement à notre altitude. Cette diversité est garante de la bonne santé de la microforêt. «Une maladie ou un nuisible propre à une essence se propagera moins facilement que, par exemple, dans les forêts genevoises, fortement conditionnées par la sylviculture, qui sont composées à 75% de seulement quatre espèces», explique Joëlle Martinoya.
Au passage, ces microforêts constitueront des barrières acoustiques et des îlots de fraîcheur bienvenus en ville, et contribueront à l’assainissement de l’air, à la séquestration de CO₂ grâce à un sol riche en humus, ainsi qu’au développement de la biodiversité et des corridors biologiques.

Une démarche participative
Enfin, autre particularité de la méthode Miyawaki: elle implique une dimension participative. «Nous allons créer des communautés de riverains, d’écoliers et d’employés qui vont s’impliquer dans la plantation et l’entretien de leur forêt, se réjouit Joëlle Martinoya. Cela renforce les liens sociaux dans les quartiers et sensibilise les citoyens à l’importance de la biodiversité et de ce type d’écosystèmes.»
Quand il a entendu parler de la méthode Miyawaki, Alfonso Gomez, conseiller administratif en charge de l’Environnement à la Ville de Genève, a tout de suite été emballé: «Nous cherchons tous les moyens possibles pour augmenter fortement les surfaces végétalisées en ville, un objectif ambitieux. Le Service des espaces verts (SEVE) a été enthousiasmé par les explications de Joëlle Martinoya sur cette méthode, qui est tout à fait en accord avec leur manière de travailler. À terme, nous réaliserons de telles microforêts sur des espaces dégoudronnés, comme des places de parking. Ça a l’air miraculeux, mais les expériences menées à l’étranger montrent que ça fonctionne.»
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