Tout public«Derrière les arbres», un livre animé qu’on ouvre au Galpon
Nathalie Tacchella et sa Compagnie résidente de l’Estuaire allient danse, conte et papeterie pour réveiller l’enfant qui sommeille sous l’écorce. Et il ne demande que cela!

Fertile, l’Estuaire. Avec ses ramifications paisibles, il fait penser à un grand arbre couché. Un delta de l’Arve, dont le limon s’organise en rhizomes. Affluents et racines composent et recomposent ses différentes frondaisons. Les interprètes, le compositeur, le scénographe ainsi que le tronc central, la chorégraphe Nathalie Tacchella, ne forment qu’une seule et même forêt, dont les sèves macèrent avant d’engendrer leurs pousses.

Elles vivent ici à trois dans une clairière baignée de lumières changeantes (Florian Bach), au milieu de treize feuillus blancs dont les combinaisons portent les couleurs du feuillage, et la bande-son les pépiements des habitants à plumes. Autour d’elles, le bois a déjà subi sa transformation: ses fibres sont devenues carton. Boîtes empilées pour les grands pins, boîte découpée, coloriée aux feutres et articulée par des agrafes parisiennes pour une souveraine Mère Ourse, tout droit surgie de l’imaginaire enfantin, telle l’héroïne d’un livre animé.
Tandis que ses filles verdoyantes rampent ou grimpent au pied des arbres, elle surveille, Mère Ourse, roulant sur sa progéniture de grands yeux protecteurs. Quand elle élève la voix, c’est dans une langue qui remonte les lettres à rebours. Quand elle caresse, c’est du bout de ses griffes en papier. Si la catastrophe advient en même temps qu’un roulis de percussions – comme dans «Les Tables» de 2005 déjà –, plutôt que fuir ou grogner, la marionnette se met en retrait, attendant que ses trois oursonnes reconstruisent le biotope en ondulant. Elle est confiante, Mère Ourse: chez l’Estuaire, la matière survit toujours. Qu’elle adopte une forme naturelle, humaine ou manufacturée, elle n’a pas à s’en faire, elle triomphera. Et, par définition mouvante, finira par se régénérer.
«Derrière les arbres» jusqu’au 5 juin au Théâtre du Galpon, dès 4 ans, galpon.ch
Katia Berger est journaliste au sein de la rubrique culturelle depuis 2012. Elle couvre l'actualité des arts de la scène, notamment à travers des critiques de théâtre ou de danse, mais traite aussi parfois de photographie, d'arts visuels ou de littérature.
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