Sorties livres et BDDe Paul Auster en Lola Lorente, le grand nettoyage de printemps
L’écrivain nettoie l’histoire des porte-flingues américains dans «Pays de sang», l’Espagnole déshabille les états d’âme de «Mary-Pain» et autres effeuillages.

Paul Auster et Spencer Ostrander Quand l’Amérique fait feu
Essai Paul Auster, 76 ans, s’allie à un autre New-Yorkais, le photographe Spencer Ostrander. L’ancien et la bleusaille cherchent à percer l’énigme qui démange depuis l’ère des pionniers. Pourquoi les armes à feu policent-elles ainsi l’imaginaire et le quotidien des Américains?
Aux histoires personnelles succèdent les données chiffrées, au tendre souvenir d’adolescent initié au tir par son père se croise l’énoncé réjouissant de la chute du pourcentage de foyers armés. Voilà pour les rares données optimistes. Pour le reste, l’écrivain constate un tableau désolé, marqué surtout par une impuissance vénéneuse qui ronge les meilleures volontés.
Car remarque Paul Auster, l’histoire de la violence heurte surtout par sa cible fuyante et mobile. Grâce au travail de son compagnon dans cette aventure, le photographe Spencer Ostrander, les images en noir et blanc précisent le tableau avec une sèche actualité. «De sang-froid» comme l’écrivait jadis Truman Capote, ce reportage évoque notamment une trentaine de tueries de masse. Est-ce ainsi que les hommes vivent? CLE
«Pays de sang»
Paul Auster/Spencer Ostrander
Ed. Actes Sud, 208 p.


Lola Lorante et sa chère «Mary-Pain» en chair et en os

Roman graphique La formidable énergie graphique de Lola Lorente, 43 ans, évoque la puissance d’Emil Ferris dans «Moi ce que j’aime, c’est les monstres». L’héroïne de cette flamboyante Espagnole issue du collectif Enfermo, porte un nom qui claque, Mary-Pain, Marie Douleur ou Souffrance.
Au pays quitté ado, elle retrouve la torpeur de la Costa Blanca qui englue les femmes dans les mantilles et les deuils, menace. De quoi cogiter les souvenirs, les mauvais surtout. À 34 ans, l’atypique odalisque à la chevelure punk et aux rondeurs voluptueuses se débat entre un grand-père infirme, une maison hypothéquée, un avenir rétréci.
Le trait étrangle la chair, extrait une poésie au pur jus fantastique, un souffle aussi que plus personne n’espérait. Rien que ce sous-titre, «feignante, pâle et pensive» et on s’y berce. CLE
«Mary-Pain»
Lola Lorente
Ed. Actes Sud, 220 p.

Patrice Leconte raconte Tintin de A à Z

Abécédaire Patrice Leconte dessina de 1970 à 1975 deux planches hebdomadaires de son héros BD Gazul pour le magazine Pilote, où l’avait introduit son ami Gotlib. Pas de quoi crier «Sapristi» et autre «Saperlipopette» en découvrant l’amour que le cinéaste porte à Tintin dans un abécédaire inspiré. On l’aurait cru plus proche des Dingodossiers ou du bric à brac de Gaston Lagaffe et autre Spirou…
Avec l’autorité d’un réel addict, le septuagénaire s’amuse d’ailleurs à tromper les érudits, prétextant d’abord que Quick et Flupke n’apparaissent pas dans les aventures du petit reporter puis se ravisant au souvenir de silhouettes croisées notamment dans «L’étoile mystérieuse». Le bougre a l’humeur farceuse. Il traine d’ailleurs depuis 2020 un projet d’adaptation des «Bijoux de la Castafiore». A suivre.
En attendant, son abécédaire ne manque pas de buller avec fantaisie. Et il en faut pour résister ces jours, aux critiques subies par le petit reporter si peu consensuel. Mais de Karaboudjan à Moule à gaufre et autre Isidore Lagopède, la palette fournie par Hergé, décédé il y a 40 ans, témoigne d’un humour plus non sensique que le gamin bien peigné ne le suggère. CLE
«Tintin de A à Z»
Patrice Leconte
Ed. Casterman-Moulinsart, 131 p.
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