De quel argent parle-t-on ici? De celui qui transite secrètement derrière les circuits finançant le trafic d’armes, de drogue, d’êtres humains. De celui que détournent les dictateurs, de celui qui finance le terrorisme, qui coule sous les réseaux des diamants du sang. De celui du crime, donc. Dans notre pays, au XXIe siècle, lorsqu’un journaliste signale cet argent-là, il est lourdement punissable. C’est inadmissible.
Depuis 2015, les journalistes suisses ne peuvent plus enquêter sur les données sorties des banques, même lorsque l’intérêt public est manifeste. Le curseur est posé à un degré étrange: un oligarque qui a caché son argent en Suisse voit son anonymat juridiquement protégé. Selon la loi, le journaliste qui l’expose risque jusqu’à 3 ans de prison. Est-ce vraiment cela, la Suisse que nous voulons?
«La Suisse se voit comme un modèle démocratique, elle ne l’est pas lorsque l’argent douteux qui y transite ne peut plus être questionné.»
Les coups portés, dans les années 2010, contre le secret bancaire ont mis le pays dans les cordes. Le parlement ne pouvait qu’assister aux échanges, à contretemps et impuissant. Sa frustration est ressortie par cette soupape. On ne peut rien empêcher? Tirons sur le messager. Les élus ont durci la loi sur les banques au détriment des médias.
Qu’il s’agisse des Swissleaks ou d’autres enquêtes de grande ampleur, la rédaction Tamedia a toujours travaillé à hiérarchiser et contextualiser les données auxquelles elle avait accès. En n’exploitant que les informations pertinentes, celles qui dénoncent les failles dans le système de contrôle. Il n’a jamais été question d’autre chose que de ramener les pratiques dans la légalité. Ne plus pouvoir le faire aujourd’hui n’est pas une bonne nouvelle pour le pays.
La Suisse se voit comme un modèle démocratique, elle ne l’est pas lorsque l’argent douteux qui y transite ne peut plus être questionné.
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Éditorial – De l’intérêt public
La Suisse a beaucoup trop restreint la liberté de la presse depuis 2015.