Dans moins d’un mois, les Suisses diront s’ils veulent mettre fin à l’expérimentation animale dans les laboratoires du pays. Cette initiative populaire a donné lieu à un intéressant débat lexical au sein de notre rédaction. Peut-on utiliser le terme vivisection pour qualifier les pratiques visées? Nous avons convenu que oui, par commodité. C’est une manière d’éviter les répétitions qui alourdissent nos articles. Et pour proposer un titre accrocheur, avouons-le, les mots les plus courts sont toujours les plus efficaces…
Si ce choix de vocabulaire s’avère délicat, c’est qu’il tord quelque peu la réalité. Comme le rappelle l’Académie suisse des sciences naturelles, la vivisection au sens strict – l’ouverture du corps d’un animal sans anesthésie – est bannie depuis longtemps en Suisse et dans l’Union européenne. De nos jours, toute opération de ce type doit se faire sous narcose et sous analgésiques. Ainsi, en théorie, l’animal n’est pas conscient et n’éprouve pas de douleurs.
Sous l’angle éthique, cependant, la question fondamentale demeure. Peut-on utiliser des souris, oiseaux et autres singes pour développer des traitements destinés à guérir les humains? C’est la quatrième fois en moins de quarante ans que nous avons à y répondre. En 1985, le texte contre la vivisection d’un certain Franz Weber était balayé dans les urnes. Tout comme les deux tentatives suivantes visant à abolir ou limiter ces pratiques, en 1992 et 1993. Dans ce domaine, le peuple tend à soutenir les chercheurs.
«En pleine crise pandémique, et malgré la vigueur des mouvements antivax et antispéciste, l’idée d’une interdiction totale a de quoi effrayer.»
Il en ira sans doute de même le 13 février. Car un oui à cette nouvelle initiative signifierait l’interdiction de fabrication et d’importation de médicaments et de vaccins conçus sur la base d’expériences sur des animaux. En pleine crise pandémique, et malgré la vigueur des mouvements antivax et antispéciste, l’idée a de quoi effrayer.
Il ne reste en réalité plus grand monde pour réclamer l’abolition de telles expérimentations. Les militants saint-gallois à l’origine du texte sont bien soutenus par un aréopage d’associations, mais pas par l’influente Protection suisse des animaux (PSA) ni par la Coalition animaliste. Au parlement, aucun élu n’a approuvé leur initiative. Pas même les plus fervents défenseurs de la cause animale.
En forte baisse
De fait, la science et l’industrie cherchent des alternatives pour réduire les essais menés sur les animaux. Les chiffres officiels le prouvent: depuis la première offensive de Franz Weber, leur nombre a chuté de près de 2 millions par an à 550’000 (en 2020). Outre les progrès de la recherche, le cadre légal suisse contribue à cette évolution réjouissante. Toute expérience impliquant des animaux doit ainsi recevoir l’aval des autorités cantonales.
La vivisection et les souffrances atroces qu’elle impliquait jadis semblent donc reléguées aux oubliettes de l’histoire. Mais la primauté des intérêts des humains sur ceux du règne animal continuera à faire débat.
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La rédaction – De la vivisection à l’expérimentation, le débat continue
Le 13 février, les Suisses voteront pour la quatrième fois sur l’utilisation des animaux en laboratoire. Un sujet où le choix des mots est sensible.