Agriculture et environnementDe la terre et des plantes pour purifier les eaux de lavage
Un procédé breveté par l’Hepia permet de protéger les cours d’eau de la pollution lors du nettoyage des machines agricoles.

On dirait un de ces murs végétaux comme on en aménage pour lutter contre les îlots de chaleur ou pour leur beauté. Celui-ci, d’ailleurs, est du plus bel effet au printemps, couvert de fleurs. Mais il n’est pas là juste pour faire joli. Il s’agit en fait d’un procédé inventé à l’Hepia (Haute École du paysage, d’ingénierie et d’architecture) pour traiter les eaux de lavage du matériel agricole en évitant de polluer les rivières.
L’association faîtière AgriGenève présentait ce système ce vendredi à une vingtaine d’agriculteurs genevois réunis au domaine viticole de Champigny, à Satigny. «Nous sommes sur le bassin-versant du Nant d’Avril, indique Céline Abadia, ingénieure agronome chez AgriGenève. Or, le WWF a un projet de renaturation de ce cours d’eau, que nous soutenons, et dont la charte vise à limiter la pollution des eaux de surface.»
Quand ils ont fini d’épandre des pesticides sur leurs cultures, les agriculteurs doivent nettoyer les cuves qui les ont contenus, ainsi que les pulvérisateurs. Mais pas question de faire ça n’importe comment. Si l’eau de lavage part dans les conduits d’évacuation des eaux de pluie, les résidus de produits phytosanitaires vont tout droit dans les rivières, où ils peuvent tuer les poissons. Même ceux admis dans l’agriculture bio sont nocifs pour la faune aquatique.
Eliminer les pesticides naturellement
Pas question non plus d’utiliser le réseau d’eaux usées. «Les stations d’épurations ne peuvent pas éliminer les pesticides, explique Yvan Genoud, ingénieur à l’Office cantonal de l’eau (OCEau). Sans ce genre de procédé, soit il faut nettoyer le matériel directement dans les champs – mais ce n’est pas l’idéal car on doit changer d’endroit à chaque fois – soit il faut amener les eaux de lavage ou le solde de bouillie dans des infrastructures pour les déchets spéciaux.»
Ici, les eaux de lavage passent d’abord dans un filtre qui retient le cuivre (utilisé notamment contre le mildiou), puis dans le mur végétal. «Un substrat composé de compost, de fibre de bois, de terre végétale et de billes d’argile permet de dégrader les pesticides comme cela se passerait dans le sol», explique Nicolas Ecabert, fondateur de la start-up ecaVert, qui commercialise le système breveté à l’Hepia. Puis, les plantes évacuent l’eau par évapotranspiration. «Nous utilisons des heuchères, ce sont les plantes qui résistent le mieux.»
Le système, déjà installé dans une dizaine d’exploitations à Genève, coûte relativement cher – de quelques milliers de francs à plusieurs dizaines de milliers selon sa taille. Mais les subventions cantonales et fédérales couvrent jusqu’à 75% des coûts. «Ces installations bénéficient avant tout à l’environnement», souligne Céline Margot, ingénieure à l’Office cantonal de l’agriculture et de la nature (OCAN). Ce dernier encourage les agriculteurs à se regrouper pour partager les coûts.
Le vigneron Raymond Meister, du Domaine de Champvigny, n’a pas attendu le projet de renaturation du Nant d’Avril pour faire appel à ecaVert. «Comme je construisais un nouveau hangar, j’en ai profité pour refaire ma place de lavage avec les dernières technologies.»
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