Prix d’architecture (5/10)De la souplesse pour jouer avec les arbres
Dans le quartier de la Concorde, la densification est à l’œuvre. le bureau Jaccaud Spicher a réalisé deux immeubles sur un site construit, tout en conservant le parc.

Une table à dessin, couverte d’esquisses et de crayons, devant une baie vitrée qui s’ouvre sur un parc. Des illustratrices occupent cette arcade du rez-de-chaussée. «Quand j’ai vu cet arbre, j’ai su que je voulais m’installer là pour travailler», dit l’une des dessinatrices. Elle ne l’a pas regretté. Le lieu est tranquille, et il y a justement ce grand pin qui se dresse devant elle.
Nous sommes à l’avenue Henri-Golay, dans le quartier de la Concorde, à cheval sur les communes de Genève et de Vernier. On a construit ici des jardins familiaux dans les années vingt, puis des maisons ouvrières. Il y a une douzaine d’années, on décide de densifier le quartier.

La Fondation Émile-Dupont, qui gère des logements sociaux, lance un concours pour construire sur une parcelle longiligne de 180 mètres sur 30. Il s’agit de démolir deux petits immeubles séparés par un parc. Et de reconstruire plus dense. Le bureau Jaccaud Spicher remporte le concours.
«Nous avons dessiné deux bâtiments sur les traces des anciens, mais un peu plus épais afin de préserver le parc au milieu, explique Jean-Paul Jaccaud. Si l’on avait proposé une barre étroite, elle aurait occupé toute la parcelle.» Le projet est facilité par le fait qu’aucun parking n’est à réaliser (il sera centralisé dans le voisinage), ce qui évite des trémies d’accès toujours très gourmandes en espace.
Les deux immeubles sont resserrés au milieu, comme un nœud papillon. «Cela offre un maximum de situations d’angles pour les logements et permet d’obtenir la densité demandée sans empiéter sur le parc qui est lieu très apprécié des gens du quartier», explique l’architecte.
Rue piétonne à venir
De par cette forme, les façades sont ainsi pliées vers l’intérieur plutôt que d’être alignées au cordeau, créant ainsi un espace sur la rue. «Les habitants ont souhaité qu’elle soit piétonne et plantée d’arbres, raison pour laquelle les immeubles se mettent un peu en retrait, poursuit l’architecte.» Cette piétonnisation n’aura toutefois lieu qu’une fois les chantiers du voisinage achevés dans quelques années. Les aménagements actuels sont ainsi temporaires.

Les immeubles comportent des arcades au rez-de-chaussée, qu’occupe notamment un café, et s’élèvent sur quatre étages. Les façades sont rythmées par des bandeaux horizontaux relevés par des minces corniches, créant une douce modénature.
À chaque angle s’ouvrent des balcons dont les garde-corps sont ponctués d’une balustrade métallique, ce qui permet de s’accouder en regardant dehors. Un confort que bien des architectes oublient d’offrir. «Bien que ce soit des logements sociaux, nous avons voulu offrir des façades de qualité. Il faut être fier de rentrer chez soi», relève Jean-Paul Jaccaud.
Chaque immeuble dispose d’une entrée généreuse, agrémentée d’un banc. Derrière une vitre, on devine la buanderie ainsi que le local à poussettes qui s’ouvrent ainsi sur cet espace. Ce dernier donne accès à deux allées et aux cages d’escalier. Celles-ci profitent de l’épaisseur de l’immeuble pour s’écarter et former ainsi un grand espace triangulaire qui s’élève jusqu’au sommet de l’immeuble couronné par une verrière.
Chêne et terrazzo
L’espace est ma foi plutôt impressionnant, relevé par des matériaux de qualité. Les portes sont en chêne, tout comme la main courante de la balustrade et les sols sont en terrazzo. «Il a fallu compter au plus serré dans tous les postes du budget pour offrir ces prestations, mais nous y tenions.»

L’immeuble dispose enfin, à l’arrière, d’un garage à vélos, plutôt gigantesque. «Une partie pourrait être convertible si les besoins se faisaient sentir à l’avenir.» Il y a en tout cas de la place pour bricoler son deux-roues.
Entre les deux immeubles, le parc. Son aménagement a été conçu par un bureau partenaire. «Nous ne voulions pas d’un espace trop programmé», explique Jean-Paul Jaccaud. Il n’y a ni balançoire ni bac à sable, mais quelques gros troncs écorcés sur lesquels on peut crapahuter. Les arbres, eux, sont déjà grands, ils étaient déjà là avant. On n’y trouve pas de gazon non plus, mais des herbes de prairies, un peu folles. Elles ont l’avantage de bien pousser sur les bandes de sols durs qu’imposent les pompiers autour de chaque immeuble. Et elles sont plus inspirantes à dessiner.

Cette opération est réalisée en partenariat avec le Département du territoire.
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