Publication genevoiseDans le ciel de Carouge battent «Les ailes de l’imaginaire»
Un livre d’entretiens signé Patrick Ferla scelle les destinées inséparables de Jean Liermier et du théâtre qu’il dirige depuis 2008.

Le moment était clairement indiqué pour lui consacrer un ouvrage. Avec pas moins de quinze saisons à son actif de programmateur, autant de créations, dans le même temps, à son compteur de metteur en scène, Jean Liermier voit culminer ses succès avec l’ouverture du nouveau Théâtre de Carouge, dont il a accompagné la mue. En janvier, le directeur à casquette inaugurait le bâtiment sorti de terre; à l’automne, on lui devait bien un livre sorti de presse.
«Les ailes de l’imaginaire» – qui ne reconnaîtrait sous ce label l’ADN à la fois de l’homme et de l’institution? – recouvre une quinzaine de «conversations» chapitrées, conduites par le journaliste radio Patrick Ferla, déjà auteur de publications sur Dimitri, René Gonzalez ou Gil Roman. À travers des questions qui ne dédaignent ni la référence ni la citation, l’intervieweur élucide le parcours de Liermier comme il éclairerait un plateau de théâtre, braquant le projecteur tour à tour sur les cintres, les trappes ou les coulisses.
On y découvre un tas de choses, portées par la verve du metteur en scène, comédien et patron de salle. Comment la vocation vient au petit Jean, 12 ans, alors qu’il récite une page d’Alphonse Daudet devant le tableau noir de son école annemassienne, attisée ensuite par la comtesse anglaise qui lui enseigne la langue de Shakespeare en privé. Comment les disparitions de son père et de ses deux frères allument définitivement en lui la torche de l’urgence. Comment, acteur, il investit le rôle de Tintin dans «Les Bijoux de la Castafiore» en «habitant le dessin de l’intérieur». Ou comment un SMS du directeur technique du Carouge, Christophe de la Harpe, l’informe en 2007 de la mise au concours du poste qu’il briguera après bien des hésitations.

À la fois biographie d’artiste (1970-) et chronique d’un théâtre (1958-), «Les ailes» s’avèrent rapidement plus composites que cela, jusque dans leur intempestive typographie. Outre les photos de spectacles qui en émaillent l’effeuillage, s’y intercalent pêle-mêle, en papier gris, les «Regards» de plus de trente personnalités croisées au gré de l’envol. Diverses à tous points de vue, ces feuilles portant la griffe pondérée de politiques (Isabelle Chassot, François Longchamp, Thierry Apothéloz…), le seing pénétrant des parrains (Georges Schürch, Guillaume Chenevière, François Rochaix…) ou le blase complice des camarades (Brigitte Rosset, Gilles Privat, Omar Porras…) cernent par la tangente l’identité consubstantielle de Liermier et de la scène rue Ancienne.
Un bon cadeau pour les Fêtes, donc, qui réjouira à la fois son lecteur et toutes les personnes directement ou indirectement impliquées dans le livre: c’est que celui-ci s’adresse avant tout aux familiers tutoyant le Carouge. Et un cadeau destiné en priorité aux amateurs d’élans lyriques, aussi, puisque à l’instar de ses personnages, l’œuvre brûle d’enthousiasme.
«Les ailes de l’imaginaire» – Conversations avec Jean Liermier», de Patrick Ferla, Éd. Slatkine, 224 p.
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