Coulons la traversée du lac. C'est vital!
Le 3e rapport du comité consultatif sur la traversée du lac a été livré au Conseil d'État et remis hier à la presse. À première vue, on pourrait croire que le dossier avance selon le bon souhait du peuple genevois qui avait voté sur le principe d'une traversée du lac le 5 juin 2016. En réalité, «le projet s'enlise». C'est Raymond Loretan, le président du comité, qui l'affirme sur Radio Lac. À l'évidence, il est las de produire des rapports classés à la verticale par le Conseil d'État. Côté Grand Conseil, ce n'est guère mieux, comme en témoigne son retard suspect à traiter le crédit d'études de 24 millions. Un embarras général est palpable.
À part quelques UDC autophiles, quasi plus personne ne veut encore mouiller le maillot pour franchir le lac en voiture. Le PLR, moteur du projet originel, a commencé à se raviser quand il a compris que la traversée passerait obligatoirement par un développement urbain de «ses» terres résidentielles de la Rive gauche. Le petit wagon des socialistes protraversée s'est, quant à lui, progressivement raccroché aux Verts tandis que le centre est aussi hésitant sur le sujet que son ministre en charge de la mobilité, le PDC Dal Busco, se montre discret. Relevons encore que la traversée ne figure ni dans le programme de législature ni dans le discours de Saint-Pierre, et encore moins sur la liste des priorités de la Confédération. L'engouement qui a porté la votation populaire de 2016 s'est volatilisé. Rappelons qu'il s'agissait juste d'un vote de principe, un vote pour se faire plaisir: pont ou tunnel? Mais pourquoi pas!
Aujourd'hui, le constat est clair comme de l'eau de source: le projet de traversée est mort, définitivement. En réclamant 24 millions plutôt que 6, Raymond Loretan veut contraindre le gouvernement à s'engager, ou non. Et espérons bien que ce sera non. Car les meilleures raisons se conjuguent pour tordre le cou au serpent de mer genevois: fiasco financier pour commencer. La Confédération a recalé le projet, et si elle devait revenir sur ses intentions ce ne sera pas avant les années 2040. Sans elle, rien n'est possible. Genève devra de plus se saigner pour payer sa part d'un ouvrage pharaonique budgété au minimum à 3,5 milliards. Intenable. Aucun financier ne voudra investir dans un partenariat public-privé basé sur un système de péages actuellement anticonstitutionnel.
Mais admettons que l'argent finisse miraculeusement par arriver. Compte tenu des contraintes financières, des résistances politiques, de la myriade d'oppositions en vue, une réalisation avant 2050 relèverait de l'optimisme béat. 2050? Une autre époque, un autre monde. Au rythme des innovations technologiques et de la transformation de nos modes vie, il est absurde de croire qu'un pont tunnel réglera la question de la mobilité dans l'agglomération genevoise en 2050. Personne ne sait quels seront les besoins à ce moment-là.
Il est certain en revanche qu'un ouvrage tout droit sorti du XIXe ne constituera pas la bonne réponse. Rejet de la voiture par les jeunes, télétravail en vogue, voitures autonomes, drones de transport sont autant d'indices d'une mutation radicale. Sans parler, à court terme, du déploiement des transports publics (CEVA) et autres (3e voie de l'autoroute de contournement) qui suffiront à fluidifier le trafic en attendant que la révolution digitale rende définitivement obsolète toute traversée du lac. Arrêtons donc les frais. Genève a mieux à faire avec les quelque 100 millions absorbés par les seules études et surtout les 3, 4 ou 5 milliards destinés à la construction de l'ouvrage.
Chères Genevoises, chers Genevois, il est temps de faire le deuil de la traversée lacustre. Je sais bien que ce projet fait littéralement partie de nos gènes et de notre identité culturelle; qu'il a fait fantasmer quatre générations de citoyens. Mais soyons raisonnables, regardons l'avenir et coulons ensemble cette traversée dépassée. Après un petit coup de déprime post-traumatique, Genève s'en portera beaucoup mieux.
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