J’ai eu une étrange impression en les regardant à «Infrarouge», sur la RTS, cette semaine. Voilà qui était annoncé comme le combat de l’année, cela au sujet de la votation sur l’AVS. Pierre-Yves Maillard contre Alain Berset, député socialiste contre conseiller fédéral socialiste, divisés sur ce thème, deux «ténors», comme on dit quand on ne sait pas comment dire, et qu’on a affaire à des politiciens réputés âpres.
Mais ce débat dans le poste ne parlait pas de l’AVS, de l’âge de la retraite des femmes, de l’avenir des rentes, à aucun moment. En tout cas, ce n’était pas un seul de ces thèmes que dégageait leur manière de sous-texte envahissant, sous-images qui occupaient tout l’écran au fur et à mesure des minutes: les regards, les gestes, la retenue des gestes, ébrouements d’épaules confits de satisfaction à l’instant des coups qui portent.
Ce qui émanait de cette rencontre sur plateau, c’était juste qu’ils se détestent. C’était deux types un peu en sueur, surpris à jouer les coqs de haute cour devant un animateur comptant les rounds et des filles effarées qui regardent. J’écris cela avec une tentative de neutralité: depuis des décennies, mes relations professionnelles avec ces deux adversaires m’ont fait connaître leur engagement, leur vivacité et leur intelligence. Il n’en restait sur l’écran qu’une affaire de chiffonniers chiffonnés, qui déballaient certes des arguments, mais en pensant à autre chose: s’humilier l’un l’autre, l’écraser au besoin.
Je ne suis pas naïf. Notre vie politicienne est tellement faite de civilités que pour une fois que des politiciens se rentrent dedans, on peut le voir comme une saine irruption des antagonismes. Mais le problème, c’est que ce n’est pas vraiment cette histoire d’AVS qui est leur antagonisme, mais qu’il s’agit juste d’émotions personnelles, d’une bataille d’ambitions, contrariées pour l’un, désormais souvent attaquées pour l’autre. Maillard le Vaudois n’a jamais pu encaisser d’avoir perdu en 2011 la bataille pour entrer au Conseil fédéral face au Fribourgeois. Ça fait onze ans, il n’avale pas. Comme s’il s’était agi à l’époque d’un crime de lèse-majesté. Et Berset, face à Maillard, a ainsi l’air de vouloir rejouer sans arrêt cette scène, quand Maillard sort du ring, à force de se croire le plus malin. C’était d’autant plus troublant l’autre soir, car on pressent que le syndicaliste n’a pas complètement abandonné l’idée d’entrer un jour au gouvernement suisse.
Alors, au bout de l’émission, on s’imagine au bistrot du coin un soir de vin mauvais, avec le sentiment fatigué que les deux gaillards feraient mieux d’aller une fois pour toutes s’expliquer entre eux, et sans nous, sur le parking en bas de la Tour télé.
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