Musique de sériesConnaissez-vous la chanson très, très triste de «The Last of Us»?
Retour sur le phénoménal épisode 3: lorsqu’il faut pleurer, rien de tel que les violons de «On The Nature of Daylight», usée jusqu’à la corde à force d’être employée partout.

Du point de vue musicologique, c’est un cycle de quintes des plus simples, avec ces fameux écarts de cinq notes se suivant sans que l’on en voie jamais la fin. Concernant les timbres, le recours à un quintet de chambre, deux violoncelles, deux violons, un alto permet de recourir abondamment au vibrato, afin de projeter le son de manière ondoyante, flottante, fragile, mais obsédante, comme une vague qui sans cesse meurt et revient.
Pour l’industrie du cinéma, cette musique, précisément celle-ci, a valeur de puissant signal. C’est un déclic, un feu vert, une obligation: ici, à ce moment clé de l’intrigue, vous pouvez – vous devez! – verser toutes les larmes de votre corps.
Bill et Frank, à la vie, à la mort
La dernière fois que ça s’est passé, l’épisode 3 de la série postapocalyptique adaptée du jeu vidéo «The Last of Us» arrivait à son terme. On suivait le champignon qui zombifie l’humanité, les survivants soucieux de préserver un peu d’amour dans ce monde de brutes. On admirait le paysage, sa végétation abondante mêlée à un fatras de ruines, grandiose il va sans dire. Dans son genre, «The Last of Us» est un succès, pour la photographie, le scénario, le jeu aussi.
Dans l’épisode 3, Bill, incarné par Nick Offerman, rencontre Frank, joué par Murray Bartlett. Bill est un survivaliste du genre obtus, terré dans sa maison après avoir transformé la petite bourgade de son enfance, à présent désertée, en camp retranché. Quant à Frank, il erre sans but, apparemment. Le voici qui vient toquer à la porte de Bill (d’abord, il tombe dans un piège). Bill et Frank, eux, tombent amoureux.
C’est d’une tristesse infinie, qui vous chatouille le ventre avant de remonter vers le cœur, lequel s’emballe, devient gros puis explose.
Et ils vécurent radieux malgré les temps mauvais. Jusqu’au jour où Frank, malade, se sachant incurable, décide de se suicider. Bill, on s’y attendait un peu quand même, choisit de partir avec lui. «Tu es tout ce que j’ai eu de plus heureux», dit-il à Frank, ou quelque chose d’approchant.
Et là, c’est le drame. Plutôt, c’est terriblement triste. D’une tristesse infinie, qui vous chatouille le ventre avant de remonter vers le cœur, lequel s’emballe, devient gros puis explose. Tout ceci grâce à la dramaturgie, au montage. Mais grâce aussi, et surtout, à ces quelques notes dont on vous parlait au début. Tellement tristes.
Comme l’Amérique entière à la vue de l’épisode 3, on en était là à éponger ce trop-plein d’émotions, tandis qu’une interrogation s’insinuait dans le cerveau. Ce motif, répétitif, entêtant, on l’a déjà entendu ailleurs, n’est-ce pas?
Précisément, dans «The Arrival» de Denis Villeneuve, ce long métrage poétique sur la rencontre entre humains et extraterrestres bien intentionnés. Au moment le plus triste du film. Absolument. Cette pièce pour cordes à un nom, «On The Nature of Daylight». Elle a été composée par le musicien anglo-germanique Max Richter, pour son album «The Blue Notebooks» en 2004. De la musique comme Max Richter en fait, on dit volontiers qu’elle relève du postminimalisme ou du «classical ambient» (comme l’ambient de Brian Eno, mais avec des cordes, si cela suffit pour faire du classique).
On a le titre, «On The Nature of Daylight». Alors on a tiré sur le fil. Pour constater qu’internet débordait d’articles sur ce fameux thème. Pourquoi? Parce que la pièce est partout, de «Shutter Island» de Scorsese en 2010 à «La servante écarlate» avec Elisabeth Moss. Quinze films au bas mot, sept séries au moins. Usée jusqu’à la corde, la tristesse.
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