
Il se passe parfois de drôles de choses dans le petit monde feutré des fondations genevoises. Exemple avec la Fondation Phénix, référence depuis des décennies à Genève dans le traitement des addictions. Elle fut notamment pionnière dans la distribution de méthadone aux héroïnomanes dès les années 1980. Puis dans la prise en charge des addictions chez les adolescents à partir des années 2000.
Pression insoutenable
Le rapport d’audit que nous nous sommes procuré montre que cette structure – financée principalement par les caisses maladie, la Confédération et l’État de Genève – a sérieusement dérivé depuis lors. Avec une tendance à traiter ses centaines de patients toxicomanes comme un «business». Plusieurs proches de la fondation décrivent, à l’interne, une pression devenue insoutenable pour «facturer, facturer, facturer» – jusqu’à inventer parfois des prestations inexistantes. Cette évolution délétère s’est produite sans que le conseil de fondation, qui compte d’augustes personnalités genevoises, semble en mesurer la gravité.
«Ce sont nos primes maladie qui permettent aux caisses de rembourser chaque année des millions à des fondations comme Phénix.»
Plus grave, au lieu de s’alarmer des conclusions du Service d’audit interne de l’État, le Département de la cohésion sociale a préféré tancer les auditeurs pour leur zèle «excessif», au regard d’une subvention cantonale jugée modeste (356’000 francs par an tout de même, sur des subventions annuelles totales de 3,4 millions pour le domaine des addictions).
À Berne, l’Office fédéral des assurances sociales pourrait se montrer plus curieux. Il promet d’examiner «en profondeur» la situation. Il faut dire que ce sont nos primes maladie qui permettent aux caisses de rembourser chaque année des millions à des fondations comme Phénix.
Combien sont-elles, en Suisse, à facturer trop généreusement leurs prestations? Il y a là, potentiellement, un problème structurel qu’un audit isolé ne suffira pas à mesurer.
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Éditorial – Complaisance coupable
Les dérives d’une fondation genevoise livrent un indice inquiétant pour notre système de santé.