Comment cadrer l'usage du smartphone
De nombreux parents équipent leur enfant d'un natel pour la rentrée scolaire. Il faut ensuite en réglementer la pratique. Conseils de professionnels.

Dans moins d'une semaine, les élèves reprendront le chemin de l'école. Et certains auront dans la poche un nouvel outil: un smartphone. Le passage du primaire au cycle d'orientation est souvent celui où on quitte le giron du domicile familial pour un établissement plus éloigné, le moment où on prend pour la première fois les transports publics. Une source d'inquiétude pour les parents, qui franchissent alors le pas – si ce n'est pas déjà fait – d'équiper leur enfant de 12 ans d'un natel. Une sorte de cordon ombilical 2.0.
Le geste est loin d'être anodin: ce n'est pas un simple téléphone qui se matérialise entre les mains des enfants. C'est une porte ouverte sur Internet et l'apprentissage de la gestion de la consommation d'un écran omniprésent. «Ça peut être un plus, comme une drogue et une grosse source d'inquiétudes pour les parents…», résume Nathalie Jacquier, maman de deux adolescents et un enfant en bas âge. Alors à l'heure d'instaurer un cadre, où et comment mettre les limites?
Cordon ombilical et pressions
Anne Thorel Ruegsegger, secrétaire générale de la Fédération des associations d'élèves de l'école obligatoire (FAPEO), est mère de trois enfants. Ils ont reçu leur smartphone à leur entrée au Cycle, une décision motivée par plusieurs raisons. «L'établissement était éloigné de notre domicile, ils devaient prendre les transports publics et nous voulions qu'ils puissent nous joindre quoi qu'il arrive, s'ils étaient libérés plus tôt par exemple, explique la maman. C'était un besoin de sécurité de notre part.» C'était aussi une réponse à une demande appuyée des enfants, qui sollicitaient un téléphone depuis le primaire. «Nous avons résisté jusqu'au Cycle, avant c'était hors de question car ils n'en avaient aucune utilité. Ils étaient toujours en contact avec des adultes dans l'enceinte de l'école et hors des cours, nous venions les chercher.»
La maman relève encore que sans smartphone, ses enfants avaient l'impression d'être en marge, un constat partagé par Nathalie Jacquier: «Lorsque mon fils n'avait pas de natel, il était exclu de certaines conversations, virtuelles sur WhatsApp, mais aussi réelles lorsque ses copains discutaient des publications d'un tel sur les réseaux sociaux par exemple.» Elle pointe une autre forme d'exclusion: «Il se crée souvent des groupes WhatsApp pour la classe, où les élèves se partagent des informations sur des devoirs. Au début du Cycle, alors que mon fils n'avait pas encore de natel, l'une de ses enseignantes a même donné un devoir directement via le groupe whats app…»
Manque d'anticipation des parents
C'est souvent une fois l'appareil acheté que les parents prennent conscience qu'il faut instaurer des règles. «C'est une préoccupation récurrente chez les familles que nous rencontrons au Café de parents (ndlr: rencontres thématiques organisées conjointement avec l'association l'Ecole des parents), constate Anne Thorel Ruegsegger. On remarque qu'il y a parfois peu d'anticipation de leur part. Or, il est primordial de penser au cadre en amont car une fois que des habitudes se sont installées, il est très difficile de les changer.» Daniel Schechter, pédopsychiatre responsable de l'Unité de liaison aux Hôpitaux universitaires de Genève, abonde: «Réduire l'utilisation du natel voire l'interdire du jour au lendemain ne va pas être compris par l'enfant, cela va être vécu comme un sevrage et entraîner des conflits. Les règles doivent être instaurées au départ.»
Le natel au panier!
Mais la tâche est complexe, la manière de «consommer» varie d'un enfant à l'autre, sans compter l'impact de l'évolution des technologies, relève la secrétaire générale. «Lorsque mon aînée a reçu son smartphone, il y avait encore peu de wi-fi en libre accès et son abonnement offrait un nombre limité de SMS et de données Internet. Dès qu'elle dépassait un quota, c'était à elle de payer. Mais aujourd'hui, la plupart des abonnements proposent de l'illimité et l'accès au wi-fi gratuit est facilité, ça devient plus compliqué à gérer!»
A chacun ses moyens de contrôles. En période de vacances, Nathalie Jacquier a décidé de bloquer l'accès au réseau Internet familial dès 23 h car son fils peine à restreindre sa consommation seul. Durant l'année scolaire en revanche, le cadre est plus restrictif et c'est un panier qui fait la loi. «En arrivant à la maison, les enfants déposent leurs natels dans une corbeille à la cuisine. Ils ont le droit de lire et de répondre aux SMS sauf pendant les repas. Et lorsqu'ils vont dormir, le natel reste dans le panier. Même si on oublie parfois de contrôler…»
Chez Anne Thorel Ruegsegger aussi, le natel est consigné à la cuisine mais pour la nuit seulement. Le reste du temps, «nous utilisons, notamment, la minuterie du four pour conditionner le temps d'utilisation de notre cadet. Lorsque ça sonne, l'arrêt est moins contestable que lorsque c'est de moi qu'émane la décision.»
Une charte et montrer l'exemple
Laurent Sedano, responsable des compétences médiatiques à Pro Juventute, salue ces mesures. Tout en rappelant que la règle d'or est la communication. «Quand les enfants reçoivent un smartphone, il est indispensable de préciser qu'on leur donne un smartphone pour des usages et des situations bien spécifiques.» Il faut également leur expliquer à quels contenus ils peuvent être confrontés. «Leur dire que s'ils tombent sur des images dérangeantes, ils doivent venir en parler, et qu'ils ne vont pas se faire gronder ou confisquer leur natel.» Et rappeler les messages de prévention valables pour l'ordinateur, «ne pas donner d'informations personnelles à un inconnu, ne pas envoyer de photos, etc.».
Pour fixer un cadre clair, il préconise d'établir une charte. «L'écrit offre une base sur laquelle se référer en cas de conflit.» Sans toutefois tout graver dans le marbre, «il faut garder une souplesse pour s'adapter au comportement de l'enfant». Quid des restrictions et filtres de contenus Internet? Il est d'avis que les moins de 12 ans n'ont pas besoin d'avoir d'accès illimité au Net, «leur natel devrait servir principalement à téléphoner et envoyer des SMS. Quant aux filtres de contenus, c'est une mesure de sécurité supplémentaire mais ils ne sont pas fiables à 100%.»
Fixer un quota d'heures lui semble pertinent pour les plus jeunes, moins pour les ados. «C'est comme avec l'argent de poche, à un certain âge les enfants doivent apprendre à gérer leur temps seuls.» Le Dr Daniel Schechter rappelle tout de même qu'il ne faut éteindre tout écran au moins une heure avant le coucher, «sinon cela peut perturber la qualité du sommeil».
Enfin, quand cela paraît nécessaire, on peut imposer une fouille du natel mais avec la manière, soutient Laurent Sedano. «Il faut en informer l'enfant à l'avance et le faire avec son accord. Car il doit intégrer que la confiance est l'une des conditions pour posséder un téléphone portable. Les parents aussi doivent apprendre à faire confiance. Fouiner en cachette serait contre-productif, cela inciterait l'enfant à cacher des choses.» Le spécialiste refuse de diaboliser le smartphone. «Il a plus de côtés positifs que de travers, il faut simplement encadrer et accompagner son utilisation.»
Dernier conseil, qui touche cette fois directement le comportement des parents: «Ils doivent montrer l'exemple! soutient le Dr Daniel Schechter. Et respecter aussi un cadre afin d'être crédibles.»
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