Musée de la Croix-RougeCes photos qui illustrent l’action humanitaire
Avec «Un monde à guérir», le MICR suggère aux visiteurs de regarder au-delà des images. Samedi 20 novembre, des portes ouvertes permettront à tout le monde de découvrir cette exposition.

Une infirmière au brassard estampillé d’une croix rouge se penche sur un soldat blessé. Un délégué organise l’acheminement de sac de grains dans un camp de réfugiés. Des médecins vaccinent une longue file d’enfants dans un dispensaire. Ces images, on les connaît tous. Elles peuplent journaux, magazines et bulletins télévisés pour illustrer les tragédies de la planète qui réclament une action humanitaire. Ce «monde à guérir» fait l’objet d’une exposition de 600 clichés, à voir jusqu’au 24 avril 2022 au Musée de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (MICR). Elle raconte 160 ans de photographies à travers les collections du mouvement international né à Genève en 1863. Plus encore, elle suggère habilement au visiteur de regarder hors-champ. Qu’est-ce qui se passe juste à côté de son sujet, lorsque le photographe presse le déclencheur?
«Les gens sont souvent pris en groupe, pour figurer l’ensemble des victimes»
«En parcourant ce patrimoine très peu exploré jusqu’à aujourd’hui – plus d’un million de clichés – nous nous sommes aperçus qu’il s’en dégage une grammaire visuelle de la manière de représenter l’action humanitaire», résument Pascal Hufschmid, directeur du MICR, initiateur du projet, et Nathalie Herschdorfer, commissaire de l’exposition, spécialiste de la photographie. «Vingt ans seulement séparent la création de la Croix-Rouge de l’invention de la photographie, et celle-ci sert très vite à représenter l’engagement du mouvement.»
Mélanges qui dérangent
Un premier constat se dégage: il ne s’agit pas de photojournalisme. La prise de vue est faite ici sur mandat. Le but est de documenter et de témoigner, pas de dénoncer. On souhaite aussi avec des images chocs frapper l’opinion publique et inciter les gens à se mobiliser, notamment en donnant de l’argent. Lorsque les grands noms de l’agence Magnum présents dans les zones de catastrophes ou de guerres – comme Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Werner Bischof ou Susan Meiselas – travaillent sur commande pour la Croix-Rouge, ils ne prennent pas les mêmes clichés que quand ils sont sous contrat avec «Life» ou «Paris Match».

Il n’y a pas que des stars de la pellicule dans «Un monde à guérir», loin de là. De nombreuses photos ont été prises par des collaborateurs sur le terrain. Pascal Hufschmid pointe dans une vitrine un album retrouvé, qui sait?, dans une cave ou un grenier familial: «Ces clichés sont très dérangeants. Ils racontent le voyage d’un camionneur du CICR parti en 1945 de la caserne des Vernets pour aller en Allemagne. Collés sur la même page, on voit des villes détruites, les fours crématoires du camp de Dachau et une excursion aux bains de Ravensburg… On découvre par le petit bout de la lorgnette comment cette personne a vécu l’histoire.»
Portes ouvertes samedi

Pour ce qui est des images commandées par le mouvement humanitaire afin d’illustrer son action, elles forment des motifs récurrents. «On voit les gens qui travaillent sur le terrain: médecins, infirmiers, divers collaborateurs de la Croix-Rouge, délégués du CICR; on montre l’équipement, comme les ambulances, les tentes, les dispensaires; on présente aussi les victimes», commente Nathalie Herschdorfer. «Dès 1920, les enfants sont vus seuls, on enlève les adultes des clichés.» «Sauf pour ce qui est des photos de mères avec leur enfant, précise Pascal Hufschmid, qui immortalisent la figure de la Pietà. On note aussi que les gens sont souvent pris en groupe, pour figurer l’ensemble des victimes. Quand un visage est isolé, c’est parce qu’il symbolise un tout.»
On saisit clairement en visitant «Un monde à guérir», qui sera exposée aux Rencontres de la photographie d’Arles en 2022, qu’un univers se déploie hors du cadre du cliché pris par une personne P à un moment M. Sont appliquées sur un dernier mur des images captées par les protagonistes des drames humanitaires. On y surprend anniversaires, mariages, ballons sur la pelouse, baisers, autant de scènes si banales qu’elles en sont touchantes et délivrent, aussi, une note d’espoir.

Pour présenter son nouvel accrochage, le MICR organise samedi 20 une journée portes ouvertes tous publics. De 10 à 18 h, les visiteurs sont invités à suivre, entre autres animations, une visite de l’exposition pilotée par Pascal Hufschmid et Nathalie Herschdorfer; écouter un conte musical, «L’Aventure du Tigre Birhan. À la recherche d’un monde meilleur»; découvrir l’Abakan Rouge III» de Magdalena Abakanowicz ou encore déguster soupe de courge et tartes, tout cela sur fond de performances musicales.
«Un monde à guérir», Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (MICR), avenue de la Paix 17, jusqu’au 24 avril 2022. Portes ouvertes samedi 20 novembre de 10 à 18 h (avec certificat Covid pour les plus de 16 ans), www.redcrossmuseum.ch
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