L’affaire CryptoLeaks rebonditCes neuf Suisses qui savaient pour Crypto AG et la CIA
Des responsables suisses étaient informés du programme d’espionnage de la CIA et du BND via la société de cryptage basée à Zoug. Le Service de renseignement a aussi été mis au parfum, mais pas le Conseil fédéral dans son ensemble.

Pendant près de cinquante ans, le programme d’écoutes de la CIA et du Service de renseignement allemand via Crypto AG est resté secret. À partir de 1970, l’entreprise zougoise a vendu des dispositifs de chiffrement vérolés à des clients de plus de cent pays. Les Américains ont ainsi eu accès aux communications secrètes de leurs cibles pendant plusieurs décennies. En Suisse, au moins neuf personnes étaient au courant, comme le montrent nos recherches depuis le rebondissement du scandale, en février, sous le nom de CryptoLeaks. Une enquête parlementaire est toujours en cours.
Oskar Stürzinger, directeur adjoint de Crypto 1952-1979(nom de code CIA «Siegfried»)

L’ingénieur EPFZ et officier dans les troupes de transmission était un proche du fondateur de la société, Boris Hagelin. Il a été témoin de près des pressions exercées par les États-Unis dans les années 1950 sur les différentes mesures de sécurité des appareils. Stürzinger est décédé en 2011.
Peter Frutiger, responsable du développement de la cryptographie 1970-1977

L’ingénieur EPFZ a découvert le pot aux roses au milieu des années 1970 lorsque le PDG allemand et l’«Office central de cryptage» du BND l’ont forcé à intégrer des algorithmes vérolés dans les appareils. Il a été licencié pour avoir voulu aider certains clients à sécuriser leurs appareils. Frutiger est encore aujourd’hui un témoin clé.
Kirk H. Kirchhofer, directeur des ventes Crypto Suisse 1978-2000(nom de code CIA «Clapper»)

L’ingénieur bâlois a été proposé par la CIA pour succéder à Frutiger. Faute de connaissances suffisantes, il a endossé le rôle de responsable des ventes en Suisse. En tant qu’officier de l’état-major de l’armée, Kirchhofer était responsable de l’établissement d’une transmission radio sécurisée en cas d’occupation. Il est mort en 2018.
Kurt Bolliger, chef des forces aériennes et du corps des forces aériennes 1973-1980, président de la Croix-Rouge suisse 1982-1988

En 1977, Kurt Bolliger a été informé en détail du programme secret par Peter Frutiger, qui avait quitté Crypto AG. En tant que commandant de corps exemplaire, il se devait d’informer au moins le chef d’état-major général de l’époque, Hans Senn. Kurt Bolliger est mort en 2008.
Hans Walder, Procureur général de la Confédération 1968-1973

En 1977, l’ancien procureur fédéral, tout comme le chef du Service de renseignement des forces aériennes René Lecher, a été informé en détail par Frutiger. Walder est mort en 2005.
Arnold Koller, chef du Département militaire et chef du DFJP dans les années 1980 et 1990

Arnold Koller a été conseiller fédéral entre 1987 et 1999, successivement chef du Département militaire et du DFJP, deux départements clé pour le programme d’espionnage de la CIA via Crypto. Selon des documents dans les archives du Service de renseignements de la Confédération, Arnold Koller avait été informé du programme. Il ne répond pas aux questions des médias sur Crypto «en raison de son état de santé», mais est prêt à fournir «toute information demandée» à la délégation parlementaire chargée d’enquêter.
Kaspar Villiger, chef du Département militaire fédéral 1989-1995

Selon le rapport de la CIA, Villiger a été informé en mai 1994 par Georg Stucky, conseiller national radical et administrateur de Crypto AG. Villiger confirme la rencontre avec Stucky, mais assure ne pas avoir eu de «connaissance détaillée» du projet. Il n’a pas informé le Conseil fédéral.
Walther A. Hegglin, maire de Zoug et président du conseil d'administration de Crypto 1988-2002

En 1994, l’ancien maire de Zoug a appris par le directeur de Crypto que la société dont il présidait le conseil d'administration appartenait à la CIA. Le membre du PDC n’aurait pas été particulièrement surpris par cette nouvelle et est resté en fonction pendant huit années de plus. Hegglin est mort en 2013.
Georg Stucky, membre du conseil d'administration de Crypto, 1992-2002, président 2002-2016, conseiller national libéral-radical

L’ancien conseiller national zougois a rejoint le conseil d'administration de Crypto AG en 1992, et a appris toute la vérité de la part de Michael Grupe, le PDG de Crypto, en 1994. Il est ensuite resté au sein de la société. En 2002, il a pris la présidence du conseil d'administration. Stucky – affaibli par une maladie – n’a pas pu être entendu durant le confinement dû au coronavirus, ce qui a retardé la remise de son rapport de la délégation parlementaire.
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