Santé mentaleCertaines psychothérapies ne sont plus remboursées en Suisse
Un changement de modèle conduit à des interruptions de soins et à de nombreuses inégalités de traitement selon les assurances. Genève est en sursis.

Le passage à 2023 «signe l’abandon des personnes en détresse psychique à leur sort», dénonce l’association Pro Mente Sana, qui défend les intérêts des personnes souffrant de troubles psychiques. En effet, depuis le 1er janvier, un changement de modèle est intervenu. Les thérapies assurées par des psychologues/psychothérapeutes n’étaient remboursées par l’assurance maladie de base que si elles étaient supervisées par un psychiatre. Elles le sont désormais sur simple prescription d’un médecin.
Or certaines caisses maladie refusent depuis de rembourser les traitements effectués par des professionnels en formation postgrade, soit environ 150 psychologues dans le canton de Genève. Ces assureurs ont formé un recours, canton par canton. Contrairement au canton de Vaud, à Genève, l’effet suspensif aurait été refusé, ce qui signifie que les caisses doivent continuer à prendre en charge ces consultations (près de 155 francs l’heure, tarif provisoire) en attendant le jugement sur le fond.
Des cas lourds sur le carreau
Au niveau national, plus de 10’000 patients risquent de se retrouver sans solution, selon la Fédération suisse des psychologues. Cette dernière tient une liste des assureurs qui prennent en charge les consultations données par des thérapeutes encore en formation, parfois sous condition.
Pro Mente Sana regrette que les faîtières des psychologues et l’Office fédéral de la santé publique n’aient pu se mettre d’accord sur des solutions transitoires. «L’État doit pourvoir à ce que toute personne bénéficie des soins nécessaires à sa santé selon l’article 41 de la Constitution fédérale, rappelle Shirin Hata, juriste de l’association. Il y a des cas lourds de schizophrénie ou de bipolarité. Ce ne sont pas juste des gens qui viennent parler de la dernière fois qu’ils se sont fait larguer.»
Au-delà des désagréments d’un changement de thérapeute, il n’est pas forcément possible de retrouver un psychologue disponible…
Des psychologues au chômage
L’association relève enfin que des psychothérapeutes pointent désormais au chômage alors que leurs agendas étaient pleins. Vérification faite auprès de l’Office cantonal de l’emploi, il y avait 43 psychologues inscrits au chômage à Genève à fin décembre 2022; ils sont au nombre de 53 à fin janvier 2023.
Cette faible différence s’explique par la période de latence en attente du jugement, selon Magali Volery, membre du comité de l’Association genevoise des psychologues. «Dans le centre que je codirige, nous avons conservé les emplois de huit psychologues en formation afin que les patients ne subissent pas une interruption des soins. Nous prenons le risque financier de les garder encore un trimestre, et de prendre sur nos réserves si nous devions rendre rétroactivement les sommes perçues aux assureurs, pour ne pas faire payer les patients. Mais si au mois de mars nous n’avons pas la certitude que leurs prestations seront remboursées, nous ne savons pas ce que nous allons faire…»
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