Sorties disquesCe qu’il reste d’Iggy Pop et autres curiosités musicales
L’Iguane crache ses amygdales sur un disque tristement autoproclamé «punk». Mais Gaz Coombes, Janis Joplin et Kurt Rosenwinkel relèvent le plat.
Iggy Pop

Iggy Pop est un génie (chacun le sait) et un radin (c’est lui qui le confesse). Gageons que c’est ici la seconde qualité qui parle, faute de quoi la première volerait en éclat de la plus lamentable des façons à l’aube de ses 76 ans, ce qui serait ballot après un demi-siècle en capitaine incontesté du rock électrifié.
Comment expliquer autrement que par peur de manquer d’artiche ce énième album dont le seul argument promotionnel est qu’il retrouve l’Iguane en hurleur furax? L’ex-Stooges, qui inventait les fondamentaux du genre en 1969 (!) n’a jamais eu besoin de s’autodéfinir «punk» (ni de gueuler) pour l’être: les Sex Pistols, qui reprenaient «No Fun» en 1975, s’en chargèrent assez tôt. Il est ainsi triste et moche d’entendre Iggy se caricaturer en mauvais Johnny Rotten, éructer des injures à pleine bouche et croasser plus qu’il ne chante sur une bande-son de hard-rock convenu jouée par des invités aussi peu inspirés qu’illustres (Chad Smith, Dave Navarro, Duff McKagan) et policé par le producteur d’Elton John, Post Malone et Britney Spears!
Le chanteur de «The Passenger» et de «Gimme Danger» fait ici le bad boy sur un album d’autant plus inutile que tout avait été dit, en matière de synthèse d’une carrière unique, dans le «Post Pop Depression» de 2016, produit et joué par Josh Homme – pour ce dernier comme pour Iggy Pop, leur dernier grand disque en date. Même l’étrange «Free», jazzy ambient en 2019, était plus «punk» que ce bubon artificiel, cette cicatrice de carnaval venant enlaidir comme du botox le visage magnifiquement tuméfié de James Osterberg.
Janis Joplin
Le chant haut, le timbre qui feule: toutes les caractéristiques qui feront de Janis Joplin un monstre de blues viennent à peine d’éclore. Un jeu de guitare rêche, solidement ancré dans le tempo? Jorma Kaukonen, futur pilier de la scène psychédélique avec le Jefferson Airplane. Mais pour l’heure, on est en 1964, Janis n’a que 21 ans, Jorma deux de plus. Ils se sont rencontrés quelques années plus tôt lors d’un «hootenanny», une jam, et se préparent une fois de plus à jouer ensemble. Jorma Kaukonen branche le magnétoscope. Dans le fond, on entend sa femme taper à la machine. La légende est née d’une bobine qu’on se passe sous le manteau. Six chansons dont le classique «Hesitation Blues», désormais éditées pour le monde entier.
Kurt Rosenwinkel
Le nom du guitariste Kurt Rosenwinkel apparaît au gré d’un tel nombre de projets que l’on oublie qu’il sort aussi parfois des albums de son propre chef. L’Américain que l’on a pu voir aux côtés de Paul Motian, de Brad Mehldau ou encore de Mark Turner – parmi tant d’autres… – s’éloigne de la foule de ses collaborations et signe avec ce «Berlin Baritone» son premier enregistrement solo. Cette première virée en solitaire s’effectue aussi sur un instrument inhabituel pour le musicien qui enseigne à Berlin: la guitare baryton qu’il n’utilise pas dans le style débridé de la «surf music». Déployant des résonances veloutées mais trouvant parfois le chemin vers des notes plus limpides, le guitariste s’envole plutôt en de belles torsades mélodiques et apaisées, tressant un album en autant de bulles sonores et relaxantes.
Gaz Coombes
L’ancien Supergrass a depuis longtemps laissé tomber la gouaille et le minimalisme power punk de ses premières amours. Son quatrième album solo s’aventure plus que jamais sous les frondaisons luxuriantes d’une musique vespérale qui rameute cordes, choeurs, instruments organiques, boucles électroniques et ambiances cinématiques. A l’image des Arctic Monkeys, Gaz Coombes ose s’imposer en chef d’orchestre des sons qui carillonnent dans sa tête et les restitue en symphonies de poche grinçantes, éclats de groove vicelard, odes miniatures lestées de cuivres optimistes, mélodies douces-amères jouées à la guitare sèches et enroulées d’un synthétiseur analogique. L’ensemble ne révolutionne rien mais s’apprécie comme une visite personnelle et chaleureuse auprès d’une des voix les plus aimables du rock anglo-saxon.
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