«Ce oui à la laïcité est un jalon historique»
Un peu plus de 55% des Genevois ont accepté la loi. On est donc loin du plébiscite. Pas de quoi ternir la satisfaction de Pierre Maudet de voir acceptée cette législation.

Il y a des dimanches de votation plus agréables que d'autres quand on est conseiller d'État. Et d'autant plus si on s'appelle Pierre Maudet. L'ancien patron de la Sécurité a en effet dû particulièrement goûter la possibilité de commenter pour le Conseil d'État le succès devant le peuple de la loi sur la laïcité de l'État, qui est un peu son bébé. Cela, même si la validation populaire n'a été obtenue que par 55,05% des voix et que deux communes, dont Vernier, ont majoritairement voté non.
La majorité a dit oui, et c'est ce qui importe en démocratie. «Le gouvernement est très satisfait de ce résultat, et je le suis aussi à titre personnel, a commenté Pierre Maudet. Ce oui est un jalon historique puisqu'il permettra l'abrogation des lois anticléricales de la fin du XIXe siècle et de celle qui, en 1945, a créé la contribution ecclésiastique.»
Minorité prise en compte
Rappelant que le but premier de la loi est d'assurer la paix confessionnelle, le magistrat a insisté sur la solidité du processus – qu'il avait lui-même lancé il y a six ans – qui a abouti à la loi soumise en votation dimanche. L'histoire n'est toutefois pas tout à fait terminée. D'une part parce que des recours vont être traités par la justice (lire ci-dessous), d'autre part parce qu'un règlement d'application doit encore être rédigé par le Conseil d'État.
Ce travail-là, c'est à Mauro Poggia de s'y atteler, puisque c'est à lui qu'a été confiée la Sécurité. Également présent dimanche, le conseiller d'État MCG a déclaré que «le Conseil d'État ne peut balayer d'un revers de la main les 45% des citoyens qui ont désapprouvé la loi. Nous serons à l'écoute de leurs préoccupations au travers du règlement d'application.» Relancé à ce sujet, le magistrat est toutefois resté très évasif sur sa véritable marge de manœuvre, notamment sur l'interdiction faite aux agents de l'État en contact avec le public de porter des signes religieux.
Les partisans aux anges
Rejetée par une grande majorité de la gauche, les syndicats et des associations, qui la qualifient de «liberticide et contraire aux droits fondamentaux», la nouvelle loi était soutenue par la droite, le Mouvement citoyens genevois (MCG) ne donnant pas de consigne de vote.
Le résultat du vote réjouit particulièrement l'association «La laïcité, ma liberté», qui réunit notamment des personnalités politiques de différents partis. Par exemple la PLR Natacha Buffet-Desfayes ou l'ex-député d'Ensemble à Gauche Pierre Gauthier et sa collègue Magali Orsini. «Les électrices et électeurs genevois ont confirmé par leur vote sans appel que le droit à la différence ne peut et ne doit jamais constituer une différence des droits, écrit l'association. Les outrances, les menaces et les contre-vérités de l'alliance référendaire contre nature – qui a pour seule valeur commune la haine de la laïcité de l'État – n'ont pas convaincu la population, profondément attachée à sa laïcité et consciente de ses nombreux bienfaits.»
Dans une réaction tout en nuance, les trois Églises chrétiennes se félicitent certes d'un résultat «qui marque une avancée pour la paix religieuse», mais elles n'en oublient pas leurs réserves: «Nos Églises suivront notamment avec intérêt les recours déposés contre les articles de loi limitant le port de signes religieux extérieurs, et plus particulièrement celles concernant les élus(e)s.»
Elles adressent également un message à la communauté musulmane. Les Églises affirment souhaiter reprendre un dialogue constructif «avec celles et ceux des musulmans qui, aujourd'hui, se sentent notamment atteints dans leur identité […]»
Des résultats très contrastés
De fait, les résultats détaillés révèlent de fortes résistances selon les lieux (voir la carte ci-dessus). Deux communes sur quarante-cinq ont en effet refusé la loi (Vernier et Avully), alors que dans quelques autres, particulièrement les communes suburbaines, le oui ne l'emporte que de justesse.
C'est particulièrement le cas en ville de Genève avec 51,3% de oui, mais où les bureaux de vote des quartiers populaires ont clairement basculé vers le non. À Mail-Jonction, les référendaires obtiennent ainsi leur meilleur score avec 59,69% d'avis négatifs. À Vernier, c'est aux Avanchets que le non est le plus franc: 55,87%.
À l'inverse, ce sont dans les communes où l'Entente règne presque sans partage que le oui s'impose le plus largement. À Cologny, il franchit même la barre des 70% (71,39%), alors que Vandœuvres en reste à 69,86%.
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Pour les opposants, «ce n'est qu'un début»
Réunis dimanche matin dans l'attente des résultats au Café Gavroche, les opposants à la loi sur la laïcité de l'État ne se seront pas laissé abattre longtemps par leur défaite dans les urnes. Alors que le résultat tombait sur le coup de midi, au grand dépit d'une dizaine de jeunes femmes voilées présentes, Sabine Tiguemounine remontait immédiatement le moral des troupes. «Ce n'était qu'une étape, a immédiatement lancé la conseillère municipale écologiste de Meyrin. La jeunesse a montré qu'elle pouvait se mobiliser. C'est elle l'avenir. Nous avons beaucoup appris lors de cette campagne.»
Pierre Vanek, député d'Ensemble à Gauche, confirmait un peu plus tard: «Il faudra capitaliser sur ce qui s'est passé durant cette campagne et s'inscrire dans un temps plus long qu'une votation populaire. Nous avons le projet de créer une association dans ce but.»
Mais ce travail de terrain n'est pas le seul moyen des opposants pour poursuivre leur combat. Il y a tout d'abord les deux recours pendants devant la justice, et qui vont être réactivés.
Celui qui émane des Verts s'attaque uniquement à la disposition interdisant le port de signes religieux par des élus dans les Délibératifs (les Conseils municipaux) et dans le Législatif (le Grand Conseil). Cette disposition, qui ne figurait pas dans le projet de loi initial du Conseil d'État, est fragile juridiquement, même si rien n'est joué. L'argument principal est que ces élus ne sont pas des représentants de l'État mais de leurs électeurs. Un second recours émane du Réseau évangélique de Genève. Il s'attaque à l'ensemble de la loi même s'il vise plus spécifiquement l'article interdisant les manifestations cultuelles sur le domaine public et celui qui est attaqué par les Verts.
Sur le plan politique cette fois, Ensemble à Gauche veut relancer la machine. Pierre Vanek va déposer un projet de loi sur la laïcité de l'État qui ne reprendrait que les dispositions non contestées. Le député a évidemment immédiatement été accusé de ne pas respecter la volonté populaire. Il s'en défend.
«Au député PLR Murat Alder qui me faisait ce reproche sur les ondes de la RTS, j'ai répondu que, dans ce cas, il devrait s'opposer à la réforme fiscale fédérale RFFA, soumise au peuple après l'échec de RIE III, explique-t-il. Plus sérieusement, dans le cas de la laïcité, les Genevois se sont exprimés sur un paquet ficelé. Et n'avaient que le choix de dire oui ou non, même si des éléments pouvaient leur déplaire. C'est pour cela que nous estimons que nous pouvons reprendre le dossier.» Pas sûr qu'il soit très suivi. E.BY
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