Boire et lire aux Délices«C Pages»: une librairie et vinothèque 100% genevoise
Dans sa récente boutique de la rive droite, Catherine Méan ne propose que des livres, des bières et des vins venus du bout du lac. Notre bout du lac, donc. Présentation.
Voilà bien un fonds de commerce hybride pointu et rigolo. À l’enseigne de «C Pages», Catherine Méan ne vend que des vins, bières et livres de… Genève. Des cascades de breuvages et de mots locaux. Sa librairie- vinothèque est ouverte depuis un mois rue Henri-Frédéric-Amiel, dans le fort tranquille quartier des Délices. L’arcade est pimpante. D’un côté: les bouquins, un bon millier, classés par genre: BD, jeunesse, sciences humaines, polars, art, essais, littérature… Tous Genevois, ou en rapport direct avec la ville. De l’autre, les bouteilles: des vins des trois couleurs produits par 13 domaines d’ici; et puis plein de bières artisanales, venues de sept brasseries autochtones.
«J’ai toujours eu envie d’ouvrir ma propre boutique», raconte la dame, en balayant d’un geste son tout jeune royaume. Elle a naguère appris le métier de libraire chez Payot et celui de bibliothécaire aussi, qu’elle a exercé de longues années au centre de formation professionnelle technique et à l’uni. Pendant le confinement, son rêve prend corps. Comme quoi, une pandémie peut donner des ailes.
Changement de cap
«Mon projet initial était un café librairie.» Pour cela, elle passe son brevet de cafetière. Trouve son arcade. Mais l’administration en décide autrement. «Je suis tombée dans un puits sans fond de règlements et de complications. Il m’aurait fallu me lancer dans des travaux inimaginables pour être aux normes. Pourtant, ce n’est pas un bar de nuit que j’avais l’intention d’ouvrir. Mais un lieu de jour bien tranquille. J’ai dû changer de cap.»
Exit donc le bar. Bonjour la vinothèque. «Le vin et les livres, cela va bien ensemble, non?» sourit-elle. «La littérature est pleine d’histoires d’alcool. Et bien des auteurs ont écrit alors qu’ils n’étaient pas totalement à jeun.» Ni Bukowski ni Edgar Allan Poe ne la démentiront sur ce point. «Je me disais que ça constituait un joli cadeau. Quoi de mieux que d’offrir une bouteille et un bouquin?»
«J’aime l’idée que les clients entrent dans la boutique et s’exclament: je connais cet auteur, j’étais à l’école avec lui! »
L’entrepreneuse ajoute une contrainte à sa double casquette: livres et flacons sont donc furieusement et uniquement genevois. «Ou en tout cas en rapport direct avec Genève en ce qui concerne la littérature. Voltaire et Borges sont en rayon», précise-t-elle. «J’aime l’idée que les clients entrent dans la boutique et s’exclament: je connais cet auteur, j’étais à l’école avec lui! Et puis ce serait idiot de me frotter à la concurrence des grosses enseignes en proposant des best-sellers internationaux.»
Le bel assortiment d’ouvrages locaux est le fruit d’un travail de fourmi. Ou plutôt de bibliothécaire. «Mon métier de base m’a aidé. J’ai dû croiser les sources, les catalogues des institutions et ceux des éditeurs, petits ou gros. Je ne voulais privilégier aucun genre. Je prends tout, ou presque». Zep croise ainsi Grisélidis Réal, Mona Chollet côtoie Corinne Jaquet et Rousseau cohabite avec Joël Dicker. C’est émouvant toutes ces plumes indigènes qui flirtent ensemble.
Mousses et cépages
Le choix des vignerons, lui, s’est mené à distance, pendant la crise sanitaire. Sophie Dugerdil, Émilienne Hutin ou encore Raphaël Piuz font partie du casting. «J’ai essayé de présenter un maximum de cépages différents – une trentaine – et des crus issus des trois régions viticoles.» Idem pour les mousses, brassées aux quatre coins du canton.
Reste la délicate question du quartier qui, pour faire dans la litote, n’est pas le plus passant du cosmos. «Je voulais absolument m’installer sur la rive droite», explique la commerçante. «Il y a très peu de librairies de ce côté-ci, comparé à Plainpalais par exemple.» Outre la curiosité et la soif des riverains, elle compte sur l’aide des institutions: bibliothèques et écoles du coin. Et qui sait, peut-être C Pages s’inscrira-t-il demain sur les circuits touristiques de Genève.
C Pages, Rue Henri-Frédéric-Amiel 8. Fermé dimanche et lundi matin.
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